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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Un nouveau type de vaccin ?

Le développement de vaccins efficaces pour bloquer l’infection et la transmission du SARS-CoV-2 est devenu une priorité majeure. Ils doivent entraîner la production d’anticorps neutralisants, puisque plusieurs études récentes montrent que leurs niveaux sanguins sont corrélés à une protection contre une réinfection. Ces anticorps ciblent la protéine virale Spike et bloquent l’entrée du virus dans la cellule. Au cours du processus d’entrée, Spike subit plusieurs changements structuraux (voir lettre news-COVID-19.info du 28 Décembre au 3 Janvier 2021), passant d’un état dit de « pré-fusion » (interaction de Spike au récepteur ACE2) à un état de « post-fusion » (interaction de Spike à la membrane cellulaire grâce au peptide de fusion). Les anticorps neutralisants étant majoritairement dirigés vers l’état de pré-fusion, la protéine Spike doit donc être stabilisée sous cette forme pour élaborer un vaccin efficace.

Plus de 200 candidats vaccins, utilisant des biotechnologies différentes, sont en cours de développement. Les plus avancés sont les vaccins à ARN, les vecteurs viraux et les vaccins inactivés. On peut cependant proposer une alternative supplémentaire : le vaccin sous-unitaire, où Spike est administrée aux patients sous sa forme protéique. Cette approche a déjà été envisagée pour lutter contre d’autres pathogènes (grippe, SIDA, Malaria, bronchiolite virale) et utilisent parfois des nanoparticules biologiques comme supports.

Des équipes hollandaises et françaises spécialisées dans ce domaine (Université d’Amsterdam, CEA Fontenay-aux-Roses) se sont associées pour générer des nanoparticules présentant la protéine Spike sous sa forme de pré-fusion. Pour cela, Spike a été greffée génétiquement à 32 sous-unités polypeptidiques (fragments de protéines) qui s’auto-assemblent pour former des nanoparticules icosaédriques (polyèdres limités à 20 faces) de 30 nm de diamètre, nommées l53-50. Ces nanoparticules présentent 20 copies de Spike, ce qui est censé décupler son pouvoir immunogène. Elles ont été produites en cellules humaines, purifiées, et leur structure contrôlée par microscopie électronique. Les chercheurs ont ensuite vérifié qu’elles étaient bien reconnues par plusieurs anticorps neutralisants issus de patients COVID-19 convalescents, et ont montré qu’elles étaient capables d’activer in vitro des lymphocytes B (cellules produisant les anticorps) spécifiques du SARS-CoV-2.

Les nanoparticules ont ensuite été administrées (en intramusculaire et sous-cutané, avec adjuvants) à trois reprises (0, 4 et 12 semaines) à des souris (10 micro-g) et des lapins (30 micro-g). Dès les deux semaines suivant la 1ère injection, des anticorps neutralisants étaient déjà détectables (tests ELISA et tests in vitro), et leurs niveaux ont ensuite été renforcés par les rappels. Puis des macaques cynomolgus ont, à leur tour, été immunisés avec les nanoparticules (50 micro-g en intramusculaire + adjuvants) avec deux rappels à 4 et 10 semaines. Deux semaines après, on observait une réponse immunitaire complète, systémique et en pleine expansion. En effet, des lymphocytes B et T spécifiques de la protéine Spike (dont 30% spécifiques du domaine de fixation au récepteur) étaient présents en quantité importante dans le sang. Aussi, des lymphocytes B et T-mémoires étaient détectables, et les anticorps anti-Spike (dont neutralisants) affichaient des niveaux plus élevés que ceux de patients humains convalescents depuis 4 semaines.

On a enfin inoculé le virus à ces macaques immunisés ainsi qu’à des macaques-contrôles n’ayant pas reçu les nanoparticules, et cela à des doses élevées de SARS-CoV-2 (10 à 100 fois plus que dans certaines études). Dans la trachée et le nasopharynx, la charge virale atteint un pic chez tous les animaux entre 1 et 3 jours après inoculation (PCR), mais elle était 300 à 500 fois moins élevée chez les animaux vaccinés. Le virus devint indétectable au bout de 6 jours, contre 14 jours chez les animaux-contrôles. Les niveaux d’ARN subgénomiques, qui reflètent la réplication active du virus, étaient inférieurs de 5400 fois dans le nasopharynx 2 jours après, ce qui indique que les risques de transmission sont largement réduits. Le séquençage des populations virales montrait qu’aucun mutant d’échappement n’était apparu chez les animaux vaccinés. De plus, la sévérité de l’infection était réduite car aucun animal n’a développé de lymphopénie (nombre anormalement faible de lymphocytes) et les lésions pulmonaires étaient très faibles, contrairement aux animaux-contrôles.

C’est ce qu’on peut représenter schématiquement ainsi :

Ces nanoparticules sont donc une alternative prometteuse aux vaccins actuels puisqu’elles permettent une production efficace d’anticorps neutralisants chez plusieurs animaux. Elles sont capables de protéger des macaques d’une réinfection et limitent le risque de transmission du SARS-CoV-2. En comparaison d’autres technologies, les nanoparticules provoquent 10 fois plus d’anticorps neutralisants, performance comparable au vaccin à ARN de Moderna actuellement en cours de déploiement. Les nanoparticules permettent d’éliminer complètement la réplication virale dans les voies respiratoires supérieures en 5 jours, contrairement à d’autres vaccins.

Cependant, cette étude comporte un biais car on a infecté les macaques 15 jours après la dernière immunisation, lorsque les anticorps neutralisants atteignent leur pic. Aussi, le protocole utilisé ici repose sur 3 injections, ce qui est difficilement applicable dans le cadre d’une vaccination humaine à grande échelle. Si des études complémentaires sont nécessaires, les performances des nanoparticules pourraient encore être améliorées puisqu’il existe d’autres moyens de stabiliser Spike et que les vaccinations intranasales sont plus efficaces. Enfin, on ignore si des essais cliniques sont envisagés, ni si les nanoparticules sont efficaces contre certains variants.

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