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La plasticité de Spike

Depuis les deux dernières décennies, trois coronavirus ont posé des problèmes de santé publique : le SARS-CoV-1 en 2002-2003, le MERS-CoV en 2012 et finalement le SARS- CoV- 2 en 2020. Les coronavirus sont des virus « enveloppés », c’est-à-dire entourés d’une couche phospholipidique externe dont la composition est proche de la membrane qui délimite la cellule humaine. La protéine Spike (S) est enfichée dans cette enveloppe et orientée vers l’extérieur pour reconnaître le récepteur ACE2. Cette interaction permet ensuite l’entrée du virus, par fusion de l’enveloppe virale et de la membrane de la cellule infectée.

Spike est organisée en homotrimères (3 protéines S identiques sont liées entre elles) qui forment de larges protubérances à la surface du virus. Son domaine distal (le plus éloigné) est formé de S1 qui se fixe au récepteur via le RBD (Receptor Binding Domain). Le domaine proximal (proche de l’enveloppe) S2 régit le processus de fusion via le peptide de fusion (FP), région hydrophobe qui va venir s’enficher dans la membrane cellulaire. La protéine S du SARS- CoV- 1 et du SARS-CoV-2 sont identiques à 76% et se fixent au même récepteur ACE2. Pourtant, le SARS-CoV-2 est plus infectieux et la mutation D416G, actuellement en circulation, augmente encore cette infectiosité pour des raisons mal connues.

On peut schématiquement représenter Spike ainsi :

Des chercheurs de l’Académie des Sciences de Shanghai ont étudié l’architecture de S à l’aide de la cryomicroscopie électronique, atteignant une résolution de 2,7/3,8 Å. En comparant en détail les différents états sous lesquels S existe, ils reconstituent les changements successifs de structure qui s’opèrent au cours de l’infection comme suit :

  • Sur le virus libre, S existe à 94% sous une forme « fermée » (pré-fusion) : les FP sont empaquetés et inactifs, et les RBD sont masqués. Une fraction mineure de S est transitoirement ouverte (6%), avec un seul RBD (sur les 3 puisque S est trimérique) qui est en surface pour permettre la fixation à ACE2. Cette forme diffère de la précédente par une rotation et un mouvement vers le bas de S1.
  • Cette fixation à ACE2 fait basculer l’équilibre énergétique vers une majorité de formes « ouvertes » avec des RBD exposés. La liaison ACE2-RBD provoque ensuite des mouvements de balancier en surface, ce qui va modifier la structure globale de S1.
  • Ces changements structuraux provoquent enfin une réorganisation de la région S2 sous-jacente, ce qui va permettre d’exposer FP vers l’extérieur et activer la fusion des membranes.

En plus de cette chronologie, ces données structurales apportent des précisions sur les zones de fixation RBD-ACE2. De plus, elles indiquent que la protéine S du SARS-CoV-2 est très sensible à ACE2 : la fixation au récepteur fait passer S de 94% fermée à 100% ouverte. Chez le SARS-CoV-1, 72,4% de S est déjà ouverte et la présence d’ACE2 la fait passer à 76%. Cela pourrait expliquer pourquoi le SARS-CoV-2 est plus infectieux.

C'est ce que l'on peut schématiquement représenter ainsi :

De même, les auteurs montrent que l’acide aminé D614 interagit avec le FP et contribue énormément au maintien de la structure fermée. Dans la mutation D614G, l’acide aminé aspartate (D) est muté en une glycine (G), qui n’a pas de chaîne latérale chargée. Cela va donc réduire les interactions dans l’ensemble de la structure qui va se relâcher, ce qui permet au FP de s’activer partiellement. Le mutant D614G est plus infectieux car cela rend S plus sensible encore à ACE2.

Les auteurs suggèrent aussi que chez le SARS-CoV-2, la conformation majoritairement fermée de Spike est un mécanisme d’échappement aux anticorps neutralisants (comme pour le VIH), qui ciblent principalement le RBD. Par comparaison, le SARS-CoV-1 et le MERS-CoV sont plus sensibles à ces anticorps puisqu’ils n’ont que 27,6% et 5,4% de S fermés, respectivement.

Ce travail fournit enfin des informations capitales pour la conception de vaccins, puisque la protéine S est la cible majeure des anticorps lors de la réponse immunitaire.

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