Les variants du SARS-CoV-2 ont rapidement supplanté la première souche de Wuhan et ont un pouvoir de transmission accru. Le premier à avoir émergé est le D416G, avec une mutation qui améliore l’interaction de Spike avec son récepteur ACE2, mais qui ne permet pas d’échapper aux anticorps neutralisants (voir lettre News-COVID-19.info 8-14 Mars 2021). Plus récemment sont apparues des mutations et des délétions dans les domaines RBD (Receptor Binding Domain) et N-terminal de Spike, donnant naissance aux variants anglais (B1.1.7), sud-africain (B.1.351) et à deux lignées brésiliennes (P1 et P2). De récentes études suggèrent que ces mutations sont sélectionnées in vivo par la pression de sélection des anticorps neutralisants induits par la souche initiale. Ces variants ont des sensibilités différentes à ces anticorps et pourraient potentiellement échapper à la réponse immunitaire. La plupart des travaux sur ce sujet utilise des systèmes viraux dérivés, et plus rarement les virus authentiques : ce qui peut introduire des biais, car des mutations situées ailleurs que sur Spike, notamment sur les protéines non structurales, pourraient aussi augmenter la propagation virale ou la sensibilité aux anticorps.
Pour remédier à cela, des chercheurs de l’Institut Pasteur de Paris ont comparé la sensibilité des souches virales D416G, B.1.1.7 et B.1.351 authentiques aux anticorps neutralisants. Pour ce faire, les virus ont été isolés chez des patients, séquencés puis amplifiés in vitro. En parallèle, les sérums de 25 patients COVID-19 convalescents et non vaccinés (sang dénué de cellules et de facteurs de coagulation contenant des mélanges d’anticorps dont les neutralisants) ont été prélevés à 3 et 6 mois après la déclaration des symptômes. En utilisant un système d’infection in vitro (S-Fuse GFP), ils ont montré que les souches D416G (référence) et B.1.1.7 ont la même sensibilité aux anticorps après 3 ou 6 mois, alors que le B.1.351 est 5 à 10 fois moins sensible. Ils ont confirmé ces observations sur une cohorte supplémentaire de 30 patients, 9 mois après l’infection : les taux d’anticorps neutralisants sont 6 fois inférieurs et 40% des sérums ne neutralisent pas le B.1.351.
Après avoir adapté leur système pour la cytométrie de flux, ils ont analysé ces mêmes sérums, les 2 anticorps monoclonaux (purifiés et ayant chacun une cible unique) et l’ACE2 soluble et ils ont évalué leur capacité à se fixer aux protéines Spike des 3 souches. Si l’anticorps mAb102 le fait de manière identique aux trois Spike, le mAb48 se fixe moins bien au B.1.1.7, mais pas du tout au B.1.351. Globalement, les sérums reconnaissent de manière identique les 3 Spike, avec une légère chute pour le B.1.351 dans les prélèvements tardifs. La fixation d’ACE2 sur Spike du B.1.1.7 est beaucoup plus forte que pour le B.1.351, mais toutes deux supérieures à celle du D416G. Ainsi la capacité à se fixer à Spike ne reflète pas la capacité à neutraliser.
Ils ont itéré ensuite cette approche avec les prélèvements de 19 personnels soignants vaccinés (Pfizer Cominarty; non infectés auparavant) de 2 à 6 semaines après la 1ère dose, la seconde injection étant réalisée à la 3ème semaine. Le D416G est neutralisé à la semaine 2, le B.1.1.7 à la semaine 3, mais moins efficacement, et le B.1.351 à la semaine 4 (il faut donc une 2ème injection), à un niveau inférieur aux 2 autres. Trois semaines après la 1ère dose, 63% des sérums neutralisent le D416G, 38% le B.1.1.7, et aucun le B.1.351. Trois semaines après la seconde injection (semaine 6), le taux d’anticorps augmente notablement et 92% des échantillons sont capables de neutraliser le D416G et le B.1.1.7, et 77% le B.1.351, mais avec des taux d’anticorps beaucoup plus faibles. De manière surprenante, les anticorps neutralisants ne sont pas détectés dans les muqueuses nasales des personnes vaccinées, alors que les taux sanguins sont satisfaisants. Le vaccin de Pfizer ne développe donc pas une réponse-anticorps précoce au niveau des muqueuses oro-nasales.