L’infection par le SARS-CoV-2 provoque 15% de cas sévères qui sont associés à un syndrome de détresse respiratoire ainsi qu’à des morbidités et mortalités accrues. La difficulté d’effectuer des prélèvements sur patients, souvent limités aux liquides broncho-alvéolaires, freine la compréhension des conséquences de l’infection à l’échelle des tissus pulmonaires.
Des chercheurs de l’Université de Columbia ont établi un programme d’autopsie rapide (sous contrôle du Institutional Review Board) pour collecter et congeler les tissus pulmonaires de patients COVID-19 dans les dix heures suivant leur décès, évitant ainsi leur dégradation. Ils ont analysé ensuite les profils de transcription (transcriptome) par séquençage d’ARN à noyau unique (snRNA-seq). Ce travail a été réalisé sur une cohorte de 19 personnes de 72 ans d’âge moyen ainsi qu’une cohorte-contrôle (non COVID-19) de 7 patients d’environ 70 ans, ce qui représente un total de 116 314 cellules. Ces dernières ont été identifiées et classifiées selon plusieurs critères, comme les marqueurs exprimés à la membrane (sur ou sous- expression de gènes spécifiques), ou leur granularité (qui reflète la complexité interne de la cellule). Au total, 9 types cellulaires ont été identifiés : cellules épithéliales et endothéliales, myéloïdes, fibroblastes, lymphocytes T et B, neurones, mastocytes et cellules présentatrices d’antigènes (dont dendritiques).
Globalement, chez les patients COVID-19, on a observé un accroissement du nombre de cellules myéloïdes, en particulier les monocytes et macrophages qui sont suractivés de manière aberrante (surexpression de CTSB/D/Z, PSAP). Cela suggère que ces cellules sont la source majeure de la dérégulation inflammatoire dans les poumons. L’analyse des cellules sanguines a montré que la réponse des anticorps est relativement préservée (enrichissement de la combinaison génétique IGHV1-18/IGLV3-20 produisant les anticorps neutralisants). Chez les patients COVID-19, le nombre de cellules alvéolaires (AT1 et AT2) s’est vu réduit. Les cellules AT2, qui servent de cellules progénitrices pour régénérer les cellules AT1, ne peuvent plus effectuer cette transition (baisse de ETV5, CAV1).
En s’appuyant sur une cohorte supplémentaire de 23 patients et des analyses protéomiques, les chercheurs ont montré que les cellules épithéliales produisent plus d’IL-6 et les macrophages produisent plus de IL-1β, deux cytokines pro-inflammatoires surexprimées chez les patients COVID-19, en comparaison de patients sains ou de patients atteints d’autres infections pulmonaires. Les cellules de Tuft (surexpression de ChAT, Pou2f3), impliquées dans l’inflammation des voies respiratoires mais dont le rôle est mal connu, étaient 3 fois plus présentes dans les voies respiratoires supérieures. Le nombre de fibroblastes était aussi plus élevé, en particulier les fibroblastes pathologiques (surexpression de CTHRC1, JunB/D).