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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Des marqueurs de sévérité

Environ 20% des patients COVID-19 souffrent d’une détresse respiratoire qui nécessite un apport d’oxygène ou une assistance mécanique. Ces patients sont en général répertoriés comme sévères ou critiques (quand le pronostic vital est engagé) selon plusieurs caractéristiques cliniques, comme la saturation en oxygène. Cependant, il est nécessaire de développer des approches permettant de classifier les patients, avant qu’ils n’aient progressé vers ce stade, afin d’optimiser leur prise en charge et limiter leur mortalité. Des chercheurs chinois (Universités de Wenzhou et Westlake) proposent ainsi de détecter des changements moléculaires caractéristiques dans les séra (sang dénué de cellules et facteurs de coagulation) des patients sévères.

Pour cela, ils ont réalisé une étude protéomique et métabolomique (on enquête sur les variations dans l’expression de l’ensemble des protéines et métabolites) sur une cohorte de 46 patients COVID-19 (dont 28 sévères) et 53 individus sains. Douze mesures cliniques classiques (cellules sanguines, taux d’oxygène, glucose…) ont d’abord permis d’identifier les cas sévères qui présentent des taux réduits de lymphocytes et de monocytes, ainsi que des taux élevés de protéine C-réactive (CRP) et d’aspartate aminotransférase (AST). Par chromatographie liquide suivie de spectrométrie de masse (UPLC-MS/MS), 894 protéines et 941 métabolites ont ensuite été identifiées et quantifiées chez chaque patient. Un apprentissage statistique (« machine learning ») a ensuite été modélisé sur 31 patients, dont 13 cas sévères, afin d’identifier ces derniers sur la base des données protéomiques et métabolomiques. Le modèle identifie 22 protéines et 7 métabolites nécessaires pour l’identification et parvient à distinguer les 2 types de patients avec une seule erreur. Après cet « entraînement », les chercheurs ont ensuite éprouvé leur modèle sur deux cohortes supplémentaires de 10 et 19 patients COVID-19. Le modèle commet au total 6 erreurs dues à des cas cliniques particuliers : infection par l’hépatite B, précédentes chirurgies lourdes, traitements divers, hypertension ou diabète.

Au total, l’expression de 93 protéines est dérégulée chez les patients sévères. Les 3 voies majeures concernées sont l’activation du complément (qui permet l’élimination précoce des pathogènes en l’absence d’anticorps), les fonctions des macrophages (liées au métabolisme lipidique) et la sécrétion dans le sang des granules plaquettaires (dégranulation). De plus, l’expression de 204 métabolites est dérégulée chez ces patients, dont 80 impliqués dans ces 3 voies. En détail, des protéines du métabolisme lipidique (APOA1/2, APOH, APOM…), 100 lipides (en particulier, des sphingolipides) et 11 hormones stéroïdes (dont corticostérone, kynurénine, choline) associés aux fonctions des macrophages sont déséquilibrés chez les patients sévères. De plus, 10 protéines impliquées dans les phases précoces de l’immunité (APP, certaines sécrétées par le foie) sont anormalement exprimées (SAA1/2/4, SERPINA3, SAP/APCS, CRP) et pourraient être des biomarqueurs de l’infection (sauf CRP qui l’est déjà). D’autres APP sont impliquées dans le système du complément (C6, CFB, CPN1, mannose). Quinze protéines impliquées dans la dégranulation des plaquettes sont sous-exprimées (PPBP, PF4) ainsi que la sérotonine. De nombreux métabolites dérégulés (+100) sont impliqués dans le métabolisme des acides aminés et dérivés, dont une dizaine dans le seul métabolisme de l’arginine (arginine, glutamate, urée, glutamine, N-succinate…). Les « signatures moléculaires » suggèrent que le foie ne peut plus se détoxifier (glucose, glucoronate, et dérivés de la bile).

En s’appuyant sur les taux d’expression de ces 29 molécules, ce modèle peut donc identifier les cas sévères dans 93,5% des cas. Dans cet essai, 5 patients ont ainsi été identifiés comme sévères 1 à 4 jours avant l’apparition des signes cliniques de sévérité, ce qui est prometteur. En s’appuyant sur ces données, le catalogue des biomarqueurs actuellement utilisés devrait être élargi afin d’améliorer les pronostics.

Mais ces résultats pointent aussi un dérèglement hépatique et une altération du système du complément chez les cas sévères. Cela pourrait participer à l’orage cytokinique et favoriser le recrutement massif de macrophages dans les poumons, signes caractéristiques des cas sévères ou critiques.

Pour finir, cette étude éclaire aussi sur de potentielles cibles thérapeutiques et indique que les taux sanguins de plaquettes doivent être surveillés de près. Par exemple, elle suggère que des thérapies inhibitrices du complément, mais aussi de la synthèse du cholestérol (méthyl-béta-cyclodextrine) ou de la corticostérone, pourraient être très bénéfiques pour les patients sévères COVID-19.

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