News

COVID-19.info

Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

Site développé par 100pour100 MEDECINE

Un inhibiteur de protéase comme traitement

Le génome du SARS-CoV-2 code pour 2 polyprotéines, 4 protéines structurales (dont Spike) et d’autres protéines accessoires. La protéase virale Mpro a pour fonction de cliver les polyprotéines en protéines individuelles et possède un rôle central dans le cycle du virus. Comme Mpro n’a pas d’équivalent chez l’homme, elle représente une cible thérapeutique de choix car les effets secondaires seraient potentiellement limités. Si certains inhibiteurs de protéases sont actuellement en cours de développement (Pfizer, phase 1), les antiviraux manquent cruellement pour faire face aux vagues successives d’infections. Des chercheurs chinois de l’Université de Sichuan et de l’Institut de Zoologie de Kunming ont développé des composés ciblant Mpro et, pour la première fois, ont montré leur efficacité antivirale in vivo.

A partir de données structurales connues de Mpro, obtenues par cristallographie, ils ont étudié en détail son site actif qui accommode en général 4 fragments protéiques récurrents (P1 à P4). Pour connaître ce site plus précisément, ils ont eux-mêmes résolu la structure de Mpro en complexes avec deux composés utilisés dans le traitement de l’hépatite C, le Boceprevir et le Telaprevir. Ces analyses leur ont permis de concevoir 32 nouvelles molécules, en laissant de la variabilité au niveau du fragment P3. Les structures de ces composés ont été vérifiées par Résonnance Magnétique Nucléaire (RMN) et Spectrométrie de Masse. Par des analyses enzymologiques et structurales (Fluorescence Resonance Energy Transfert, FRET ; Differential Scanning Fluorimetry, DSF), ils ont montré que ces molécules se fixent bien dans le site actif de Mpro et inhibent son activité avec des efficacités variables. Certaines sont même plus efficaces que le GC376 et 11b, deux des plus puissants inhibiteurs in vitro de Mpro. Ils ont réalisé ensuite la structure par cristallographie de Mpro complexé à MI-23, le plus puissant de tous leurs inhibiteurs, et ont vérifié que cette molécule a un mode de liaison qui correspond aux prévisions initiales.

Diagramme schématique de la conception de nouveaux inhibiteurs du SARS-CoV-2 :

Après ces caractérisations physico-chimiques, ils ont sélectionné les 20 composés les plus puissants et ont montré qu’ils ne sont pas toxiques pour 6 lignées de cellules en culture. Sur un modèle de cellules Vero E6 infectées par le SARS-CoV-2, ces composés bloquent la mort cellulaire, 6 d’entre eux se montrant particulièrement efficaces. Sur des cellules pulmonaires et hépatiques humaines (HPAEpiC et HuH7), ces inhibiteurs bloquent la réplication du SARS-CoV-2 de manière efficace.

Les chercheurs ont évalué ensuite les propriétés pharmacocinétiques de ces composés. Ils ont sélectionné le MI-09 et le MI-30 qui montrent la meilleure biodisponibilité chez le rat, c’est-à-dire la proportion de molécules atteignant la circulation sanguine après administration orale, par intraveineuse ou en intrapéritonéal. En se fondant sur les précédents tests in vitro, on sait maintenant  qu’une injection quotidienne de 20 mg/kg est suffisante pour que les molécules se retrouvent en quantités suffisantes dans le sang pour bloquer la réplication virale.

Les composés sont peu toxiques puisque les rats restent vivants et en bonne santé lorsque les inhibiteurs sont administrés à hautes doses (jusqu’à 10 fois plus), sur plusieurs jours et par les 3 voies d’administration. Dans une expérience pilote sur un modèle de souris transgéniques infectées par le SARS-CoV-2, 50 mg/kg quotidiens pendant 6 jours (en intrapéritonéal ou oral) de MI-09 ou MI-30 préviennent la perte de poids, réduisent les lésions pulmonaires mais aussi les niveaux d’ARN viraux dans les poumons. Des résultats similaires sont obtenus en inoculant 2,5 fois plus de virus et en administrant 2 fois plus d’inhibiteurs. Chez les souris ayant reçu les inhibiteurs, l’inflammation est réduite puisque les taux de CXCL10 et IFN-bêta (chimiokines inflammatoires) sont inférieurs, ainsi que le nombre de cellules immunitaires s’infiltrant dans les poumons.

Qu’ils soient administrés par oral ou en intrapéritonéal, le MI-09 et le MI-30 peuvent donc protéger de l’infection par le SARS-CoV-2. Ce travail prouve pour la première fois que des inhibiteurs de Mpro ont une activité antivirale in vivo, ce qui représente une avancée significative dans le développement de composés anti-SARS-CoV-2 administrés par voie orale. 

error: Content is protected !!