Suivre la trajectoire de la pandémie et prédire son évolution est primordial pour prévoir les mesures de santé publique. Les paramètres épidémiologiques-clefs sont estimés en utilisant les chiffres du nombre de cas, d’hospitalisations et de décès. Les tests qPCR, bien qu’ils soient généralement seulement interprétés comme positifs ou négatifs, fournissent un résultat semi-quantitatif sous forme de nombre de cycles d’amplifications (Ct), inversement proportionnel à la charge virale (quantité de génome viral détecté chez le patient). Avec les valeurs de charge virale, il est ainsi possible d’évaluer au niveau individuel la sévérité clinique de la maladie ou la transmissibilité. Des chercheurs de Harvard (Boston, USA), qui utilisent ces valeurs de Ct de manière globale au niveau des plateformes de diagnostic, viennent de montrer que des changements dans la distribution des Ct pouvaient traduire un phénomène épidémiologique comme l’émergence d’un nouveau variant.
Ces chercheurs ont tout d’abord simulé des cas d’infection afin de recréer les valeurs de charge virale au cours d’une épidémie. Leur première observation est qu’au début de l’épidémie, les cas d’infection augmentent rapidement et que la plupart résulteraient d’expositions récentes. A l’inverse, lorsque l’épidémie décroît, le taux de nouvelles infections diminue à mesure que l’on s’éloigne du moment de l’exposition.
Bien que le moment de l’infection soit un évènement qu’on ne peut observer, il est ainsi possible de faire le lien entre la charge virale (et donc les valeurs de Ct des tests qPCR) et le temps écoulé depuis le moment de l’infection au niveau individuel : on observe un pic de charge virale lors de la phase initiale de l’infection, et plus on s’en éloigne, moins la charge virale est forte. Les scientifiques ont pu ainsi conclure, grâce à une modélisation mathématique, qu’au niveau d’une population, en phase active d’épidémie (augmentation du nombre d’infections), il y avait beaucoup d’infections récentes et par conséquent beaucoup de hautes charges virales (et donc de Ct faibles). Au contraire, en phase de ralentissement de l’épidémie, les infections sont plus anciennes et les charges virales moins hautes (et donc les Ct plus fortes).
Ces chercheurs ont validé cette méthode en utilisant des données des tests pPCR de l’Etat du Massachusetts, reproduisant les estimations obtenues par d’autres sources. Ce modèle permet donc d’étudier la dynamique de l’épidémie au sein de populations homogènes, pour lesquelles la date de début d’épidémie est connue. Mais pour les populations plus complexes, les scientifiques ont pu établir un autre modèle mathématique permettant également de prédire l’évolution de l’épidémie.
Jusque-là, les valeurs de Ct, résultats semi-quantitatifs des tests de diagnostic COVID-19 par qPCR, ne servaient qu’à évaluer la clinique au niveau individuel. Mais les scientifiques ont pu établir un nouveau modèle de prédiction de l’épidémie en se fondant sur le cumul des Ct au sein d’une population. Cela permet de limiter les biais rencontrés en réfléchissant uniquement à partir du nombre de nouveaux cas ou de décès, qui sont dépendants de la capacité ou des indications de dépistage.