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Pourquoi une troisième dose ? – le cas des animaux infectés par Delta un an après vaccination –

Le vaccin à ARNm de Moderna a une remarquable efficacité (94%) contre la souche d’origine du SARS-CoV-2. Mais le variant Delta (indien), actuellement prédominant, a acquis certaines mutations lui conférant une meilleure transmissibilité et un échappement partiel à l’immunité, ce qui diminue l’efficacité vaccinale. De plus, plusieurs études de terrain (UK, USA, Qatar) suggèrent que la protection contre les formes non-sévères de COVID-19 diminue à mesure que le taux d’anticorps chute après la vaccination. A ce jour, il n’existe aucune étude sur la durabilité de la réponse immune sur la protection. Pour combler cette lacune, des chercheurs américains du NIH (National Institute of Health, Bethesda) ont immunisé des macaques rhésus avec Moderna, puis évalué la protection contre Delta un an après.

Après la vaccination, les analyses sanguines montrent un pic d’anticorps anti-RBD (Receptor Binding Domain de Spike, souche d’origine) 6 semaines après l’immunisation, qui chute de 130 fois pendant les 6 premiers mois, puis encore de 3 fois durant les 6 derniers. Au pic, les anti-RBD spécifiques du Delta et Bêta sont 5,4 et 8 fois inférieurs, et sont 4 fois inférieurs à ceux spécifiques de la souche d’origine au bout d’un an. Les taux d’anticorps neutralisants contre Delta sont 6,9 fois inférieurs au D416G et suivent la même tendance : ils chutent de 8,2 fois et ne sont presque plus détectables après un an.

Cependant, des approches biophysiques indiquent que même si les anticorps chutent, leur efficacité progresse car il existe une maturation constante évoluant vers une immunité neutralisante croisée : ces anticorps tendent à reconnaître différents variants. La proportion d’anticorps neutralisant la souche d’origine reste quant à elle stable sur un an, mais ceux neutralisants Delta augmentent.

Dans les poumons, on observe aussi les mêmes tendances : les anti-RBD de la souche d’origine chutent de 5 000 fois en un an, et ceux spécifiques au Delta sont toujours 4 à 6 fois inférieurs. En revanche, les taux d’anticorps présents dans les voies respiratoires supérieures sont plus élevés et restent stables sur un an, signalant des mécanismes différents dans ces deux sites anatomiques. Le vaccin induit une réponse B-mémoire durable même si elle chute avec le temps : les cellules prédominantes sont capables de reconnaître à la fois les souches d’origine et Delta (dual-binding). Il induit aussi une réponse cellulaire TH1 et TFH mais pas TH2 (qui chute aussi au bout d’un an) ainsi qu’une faible réponse T-CD8+.

Un an après ces mesures issues de la vaccination, les chercheurs ont décidé d’infecter les animaux par Delta. Sept jours après, on observe une faible réduction (5 fois, comparé au groupe placebo) de la réplication virale dans les voies respiratoires supérieures (nasopharynx). Cependant, le niveau de virus réplicatif chute de 300 fois dans les poumons : la réponse-anticorps pulmonaire est relativement stable, mais légèrement retardée par la chute préalable du taux d’anticorps. Aussi, les voies supérieures ont besoin de plus d’anticorps pour être protégées. Quatre jours après infection, les cellules B-mémoires sanguines sont réactivées et se multiplient (réponse anamnestique), ce qui aboutit à une réponse anticorps augmentée de 590 fois dans les poumons. Sept jours après l’infection par Delta, aucune protéine virale n’est détectée dans les poumons des animaux vaccinés et les signes d’inflammation sont minimes contrairement au groupe placebo.

Le vaccin Moderna offre donc une protection durable des poumons contre les formes sévères induites par le variant Delta. Après un an, la protection des voies respiratoires supérieures est plus faible et celle dans les poumons est retardée mais présente. Cette configuration protège probablement des cas sévères, mais favorise la transmission.

Dans ce travail, la protection n’entre pas en corrélation avec le taux d’anticorps neutralisants contrairement aux autres études où les animaux sont infectés quelques semaines après la vaccination. Sur le long terme, la capacité des cellules B-mémoires pulmonaires à être réactivées constitue un meilleur corrélat de protection. Cette étude pertinente souligne donc l’importance d’une 3ème dose pour limiter les cas symptomatiques de COVID-19 ainsi que la transmission.

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