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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Modéliser l’humain en contexte pandémique

Les dernières épidémies à grande échelle (grippe, Zika, Ebola, COVID-19) ont souligné l’importance de développer des modèles de prévision des maladies. Ils aident notamment à définir des stratégies sanitaires adaptées. Le premier, qui date de 1927, se focalisait principalement sur la densité de population. Mais, pour être performants, ces modèles doivent intégrer des facteurs comportementaux et sociaux qui sont déterminants pour l’évolution des maladies émergentes. Par exemple, certains individus vont plus ou moins respecter les politiques sanitaires selon leur perception du danger, leurs croyances et traditions, leur confiance en leur gouvernement, leur santé, leur situation sociale ou géographique.

Modéliser ces facteurs est ainsi une tâche très complexe et on peut les interpréter de différentes manières. Il existe par conséquent plusieurs schémas en concurrence qui se distinguent par leurs présupposés, leurs avantages et leurs inconvénients. On peut les synthétiser ainsi :

  • L’épidémiologie « économique » tente de prédire les comportements en fonction de la prévalence de la maladie. Si le risque d’infection est élevé, les individus vont adopter des comportements préventifs (isolement, distanciation sociale, vaccination, achat de préservatifs pour les MST), ce qui aura des conséquences économiques et sociales, prises en compte dans ces modèles. Les chercheurs assument alors que le comportement humain est toujours rationnel face à la maladie, ce qui est loin d’être toujours le cas (aspect affectif, peur, etc).
  • L’épidémiologie peut aussi être modélisée selon la dynamique des réseaux. Cette stratégie analyse la transmission de la maladie par contacts, mais aussi les changements comportementaux provoqués par la transmission d’informations (campagnes de vaccination, alertes sur les risques sanitaires). Par exemple, si nous sommes informés qu’un ami est malade, nous pouvons choisir de ne pas le voir pendant un temps.
  • Les modèles de « contagions associées » se focalisent sur l’influence des émotions. Concrètement, la peur (de la maladie ou de la vaccination) se transmet au même titre qu’un virus et influence le comportement des individus, ce qui modifie en retour la dynamique de l’épidémie. Mais les autres émotions, comme la confiance en la science ou en la politique, ne sont pas intégrées.
  • La modélisation à base d’agents (ABM), probablement la plus aboutie, analyse la transmission de la maladie à travers des individus (agents actifs ou passifs) représentatifs, qui sont associés en groupes homogènes selon des critères divers (socioéconomiques, cliniques et environnementaux). Chaque individu (et ses caractéristiques) est représenté explicitement. Très développés ces 20 dernières années, ces modèles peuvent rendre compte de la dynamique des comportements d’une population à communautés hétérogènes.

         Tous ces modèles sont imparfaits car ils n’intègrent pas tous les facteurs qui peuvent influencer une épidémie, comme l’accès aux soins ou la mobilité des populations. Pour cette raison, on a renforcé ces dernières années l’investissement dans les sciences sociales et dans la communication des risques (risk communication and community engagement, RCCE). Dans un contexte épidémique, les sciences sociales contribuent à comprendre les facteurs structurels, environnementaux et comportementaux qui influencent la dynamique de propagation. Etroitement liées, les pratiques RCCE se fondent sur un travail avec les communautés, sociétés civiles, gouvernements, groupes d’opinion et leaders pour mieux identifier les urgences. En coordination avec des associations locales ou internationales (UNICEF), elles renforcent la mobilisation et l’organisation de la communauté. La communication des risques doit fournir des informations en temps réel afin de rapidement définir des stratégies sanitaires, mais doit aussi gérer les fake news qui peuvent avoir des conséquences néfastes.

On comprend donc que prévoir les comportements humains est une tâche complexe que les modèles mathématiques ont tendance à simplifier. Mais pour les parfaire, il faut trouver des standards (mesures, indicateurs) applicables à tous les pays, afin de normaliser les pratiques. De plus, les nombreuses disciplines impliquées collaborent habituellement peu entre elles. Il est donc nécessaire de créer une communauté transdisciplinaire dédiée de praticiens et de développer un cadre commun pour comprendre et interpréter ces données sociales et comportementales. Elles sont rares, difficiles à collecter (surtout en période de crise) et devraient être plus accessibles.

C’est pour ces raisons que le RCCE Collective Service, plateforme coordonnée par l’Organisation Mondiale de la Santé, l’UNICEF et la Croix Rouge Internationale, a pour vocation d’optimiser cette collecte et le partage d’informations de manière internationale, systématique et standardisée. Cela implique un travail important avec des spécialistes de terrain et des financements conséquents.

Avec les modèles de prévision, les mathématiciens, les professionnels des sciences sociales et les praticiens RCCE ont pour objectif commun de réduire la mortalité et les charges socioéconomiques « prévisibles » liées à la propagation d’une maladie. La précision de ces modèles est donc capitale pour guider les politiques et faire face aux maladies émergentes.

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