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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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L’immunité défaillante de la muqueuse nasale conduirait aux cas sévères

Comme d’autres virus respiratoires, le SARS-CoV-2 se multiplie d’abord dans le nasopharynx, ce qui favorise sa transmission. Mais certains patients développent une infection des voies respiratoires inférieures où une combinaison de processus inflammatoires et viraux peut mener aux cas sévères de COVID-19. Pourtant, les premières cibles cellulaires du virus et les conséquences de l’infection sur l’épithélium sont mal connues.

Des chercheurs américains de l’université d’Harvard (Cambridge) et du MIT (Massachussetts Institute of Technology, Boston) ont identifié et caractérisé les premières cellules de la muqueuse nasale ciblées par le SARS-CoV-2. Ils ont formulé l’hypothèse selon laquelle les premières étapes de l’infection vont déterminer la trajectoire de la physiopathologie COVID-19. Pour cela, ils ont établi les profils génétiques (transcriptomes) des cellules prélevées dans le nasopharynx de 23 patients sains et 35 patients COVID-19 aux stades précoces. Ils ont établi ainsi un plan détaillé de la diversité cellulaire épithéliale et immunitaire du nasopharynx.

Aux premiers stades de l’infection, les patients sévères ont des taux d’ARN viral comparables aux patients modérés. Mais chez eux, ces chercheurs ont observé une baisse spectaculaire des cellules ciliées, cellules principales de l’épithélium nasal éliminant le mucus (sécrété par les cellules en gobelet) et les contaminant par l’action de cils vibratiles. A l’inverse, ils ont observé une expansion et une différentiation accrue des cellules sécrétrices (les cellules en gobelet), probablement pour compenser la perte des cellules ciliées. Cela conduit à une grande diversité cellulaire et un remodelage de l’épithélium : il s’agit d’un remplacement de cellules matures par des cellules sécrétrices, deutérosomales et ciliées immatures.

Les chercheurs ont observé chez les cas sévères une concentration de cellules inflammatoires myéloïdes (futurs macrophages et granulocytes), qui sécrètent particulièrement les cytokines pro-inflammatoires TNF, IL1β, CXCL8, CCL2/3 et CXCL9/10/11. Contrairement aux patients modérés, les cas sévères de COVID-19 montrent une absence de réponse-interféron par les cellules ciliées infectées (sauf certains sous-types minoritaires), ainsi que les gènes induits par cette réponse antivirale (Interferon Stimulated Genes, ISG). De nombreux autres gènes sont dérégulés dans l’épithélium des patients sévères. Par exemple, les gènes de la calprotectine (alarmine pro-inflammatoire associée à la réponse innée) sont surexprimés, ce qui a par ailleurs été décrit comme précédent l’orage cytokinique. Les cellules infectées sous-expriment certains gènes comme celui du MHC-II (complexe majeur d’histocompatibilité, impliqué dans la reconnaissance du soi) mais sur-expriment TMPRSS2/4 (protéases transmembranaires à sérine, impliquées dans l’entrée virale).

Ce travail suggère qu’en réponse à l’infection par le SARS-CoV-2, une défaillance précoce de l’immunité antivirale (principalement par l’interféron et l’ISG) par l’épithélium nasal sous-tend la progression vers une forme sévère de la maladie touchant les voies respiratoires inférieures. Ces résultats confirment plusieurs autres données issues d’analyses systémiques mais montrent que ces défaillances prennent racine dans certaines cellules de la muqueuse nasale. Les auteurs fournissent donc des données cruciales sur les facteurs d’hôte qui vont permettre ou restreindre la réplication virale in vivo.

Pour la première fois, il est établi que le SARS-CoV-2, et probablement d’autres coronavirus, induisent une dérégulation des gènes du MHC-II impliqués dans la présentation des antigènes, ce qui pourrait être une manière de contourner la réponse antivirale innée au départ de l’infection. Il existe donc une fenêtre de tir, précoce et ciblant le nasopharynx, où il est possible de bloquer la progression vers les cas sévères par des thérapies ciblées.

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