Les épidémies de coronavirus proviennent des animaux, mais la transmission de l’homme à l’animal (la zooanthroponose) est mal connue. Une étude récente dans une ferme hollandaise de visons (voir lettre news-COVID-19.info 16-22 novembre 2020) a montré que ces animaux avaient été infectés par des hommes atteints de COVID-19 et que d’autres avaient ensuite été réinfectés par ces visons (on parle de réémergence). A ce jour, il s’agit de la seule étude montrant clairement une transmission du SARS-CoV-2 de l’animal à l’homme. Certains variants sélectionnés chez des animaux pourraient donc nous infecter, et ainsi remettre en question notre immunité anti-SARS-CoV-2, qu’elle soit naturelle ou induite par les vaccins actuels. Ils pourraient aussi compromettre l’efficacité de certaines thérapies. Il est donc nécessaire d’étudier les facteurs immunologiques, anthropogéniques et écologiques qui pourraient faciliter de telles réémergences.
De récentes études ont montré que certains animaux sont sensibles au SARS-CoV-2 (chats, furets, hamsters, singes, vison, musaraignes arboricoles, chiens viverrins, chauve-souris, lapins). Mais de nombreuses autres espèces n’ont pas été testées. Les auteurs proposent donc de les étudier selon trois critères :
- la sensibilité de l’espèce (ou espèce voisine) au virus
- l’homologie homme/animal du récepteur ACE2
- la fréquence de contact avec l’homme
Par exemple, chez les amphibiens, l’homologie d’ACE2 est faible et aucun cas d’infection n’a été décrit. Or, chez les singes, l’homologie est élevée mais les contacts avec l’homme sont peu fréquents (sauf dans les zoos et les animaleries). Et cette homologie est moyenne chez les chats mais la fréquence de contact est très élevée. Les vaches laitières ont quant à elles une homologie moyenne, sont fréquemment en contact avec l’homme, mais ne sont pas sensibles au virus. Parmi ces espèces, les chats domestiqués devraient donc être surveillés en priorité. Et il faut répertorier les variants qui s’y développent.
Pourquoi cette attention particulière ? Parce que le risque de la transmission de l’homme aux animaux est de former des « réservoirs » alternatifs à ceux connus, c’est-à-dire des animaux porteurs du virus et susceptibles d’infecter l’homme. Ils offrent aux virus l’occasion d’évoluer en sélectionnant des souches modifiées et de changer leur potentiel de pathogénicité ou de transmission. Comme chez l’homme, cette évolution se fait en accumulant des mutations mais aussi par recombinaison (des virus différents infectant le même hôte peuvent échanger du matériel génétique). C’est ainsi que des virus acquièrent la capacité de changer d’hôte, provoquant alors une émergence virale. Dans le détail, une protéine Spike adaptée aux récepteurs animaux pourrait interagir avec le récepteur ACE2 humain et infecter l’homme, mais ne plus être reconnue par des anticorps neutralisants.