News

COVID-19.info

Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

Site développé par 100pour100 MEDECINE

Les interférons, indicateurs de sévérité ?

Les cas sévères de COVID-19 sont caractérisés par des niveaux élevés de cytokines pro-inflammatoires dans la circulation sanguine ainsi que par une inflammation exacerbée. En particulier, les interférons (IFN) sont des cytokines antivirales qui font l’objet d’une attention particulière. Ils sont composés de 3 familles : les IFN-I (⍺ et β), les IFN-II (ɣ) et les IFN-III (𝛌 1-4). Si la surexpression des IFN-II est clairement associée aux cas sévères et aux décès, le rôle des IFN-I et -III, dans la pathogénèse de la COVID-19, est encore mal connu.

Pour mieux comprendre, des chercheurs des universités de San Raffaele (Milan, Italie) et de Harvard (Cambridge, USA) ont évalué la production des IFN chez 155 patients COVID-19 modérés et sévères, mais aussi chez 24 patients ayant des affections pulmonaires non infectieuses (fibroses, sarcoïdoses, transplantations) et chez 28 patients sains. Pour cela, ils ont quantifié l’expression des ARNm des IFN dans les voies respiratoires supérieures (prélèvements nasopharyngés) et inférieures (fluides broncho-alvéolaires) et quantifié les cytokines.

Qu’a-t-on observé ? Il faut distinguer les voies respiratoires supérieures et inférieures.

Dans les voies respiratoires supérieures, il apparaît que le profil d’expression des diverses classes d’IFN détermine la sévérité de la COVID-19. Les patients ayant en effet la charge virale la plus élevée dans les voies supérieures sont ceux qui expriment le plus d’IFN-III. En revanche, cette corrélation est moins vraie chez les patients plus âgés, plus à risques. De plus, on comprend que la production élevée d’IFN-III, mais non d’IFN-I, protège les patients des formes sévères de COVID-19. En particulier, les IFN-λ1 et IFN-λ3 sont ceux qui induisent des ISG (Interferon Stimulated Genes, >50 testés) capables d’apporter une réponse anti-SARS-CoV-2 efficace. Cependant, les IFN-I et l’IFN-λ2 semblent plutôt associés aux cas critiques, chez qui les ISG protecteurs sont peu exprimés.

Qu’en est-il des voies respiratoires inférieures ? Les IFN-I et IFN-III y sont surexprimés. Chez les patients sévères et critiques, les niveaux d’IFN (sauf IFN-λ1) y sont plus élevés que dans les voies supérieures, mais les mêmes classes d’IFN sont exprimées dans l’ensemble du tractus respiratoire, ce qui est considéré comme une « signature » de sévérité. Dans les voies inférieures des patients critiques, les ISG « protecteurs » sont clairement sous-exprimés.

Si on analyse maintenant ces profils au niveau protéinique, comparés aux patients ayant d’autres syndromes respiratoires aigus ou affections pulmonaires, les patients COVID-19 ont des IFN très spécifiques, considérés comme une « signature » COVID-19 : IFN-III (surtout IFN-λ2 et 3) et IFN-I élevés. Suite à l’infection par le SARS- CoV-2, les IFN-λ1 sont plutôt produits par les cellules épithéliales via l’activation de la voie RIG-I/MDA-5 ou TLR3. Les IFN-III sont produits par les cellules dendritiques via la voie TLR3 uniquement, bien que celles-ci ne répondent pas directement à l’infection virale mais plutôt à l’ARN viral sécrété par les cellules infectées voisines.

Les IFN ont donc des rôles opposés le long du tractus respiratoire et les niveaux d’expression de chacun d’entre eux dans des sites spécifiques déterminent l’issue clinique de la COVID-19. Une production efficace des IFN dans les voies supérieures permet de contrôler l’infection et donc limite la propagation du virus dans les voies inférieures. Lorsque cela n’est pas le cas, la production d’IFN dans les poumons contribue à l’ « orage cytokinique » provoquant l’endommagement des tissus (apoptose). Ce travail suggère que des traitements à base d’IFN-III pourraient être efficaces s’ils sont administrés très tôt dans les voies respiratoires supérieures, mais non en systémique.

error: Content is protected !!