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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Les différents variants d’un même patient

La protéine Spike du SARS-CoV-2 régule l’entrée du virus dans la cellule. Son domaine RBD (receptor binding domain) est la cible principale des anticorps neutralisants qui bloquent ce mécanisme. Des chercheurs anglais et africains (University College London, CITIID Cambridge, AHRI Durban) ont étudié l’évolution de cette protéine chez un homme septuagénaire, immunodéprimé, atteint d’un lymphome traité par chimiothérapie. Testé positif par PCR (jour 1), il a été admis à l’hôpital 35 jours après pour une pneumonie liée au COVID-19. Il a d’abord été traité au Remdesivir (antiviral) aux jours 41 et 54, puis avec du plasma de patient convalescent (« CP », traitement expérimental contenant des anticorps anti-SARS-CoV-2) aux jours 63, 65, et 95, avant de décéder le jour 102 de défaillances d’organes multiples dues à l’hyper-inflammation. Il est resté positif pendant toute cette période pendant laquelle 23 échantillons ont été prélevés dans les voies respiratoires supérieures. Les virus ont été séquencés pour étudier les populations virales en utilisant plusieurs méthodes (dont la deep-sequencing).

Mais n’y avait-il qu’un seul type de virus chez ce patient ? En prélevant des échantillons dans son environnement (téléphone, sonnette), les chercheurs ont d’abord identifié la souche à l’origine de l’infection : lignée 2OB, mutation D614G de Spike (voir lettre News-COVID-19.info du 23-29 novembre 2020). A partir du jour 54, après le traitement au Remdesivir, les chercheurs voient apparaître une faible dynamique de diversification : des variants apparaissent, deviennent majoritaires, puis sont remplacés par d’autres. Les mutations apparaissent sur Spike, et aussi à d’autres endroits du génome viral. Mais entre les jours 66 et 82 (après les 2 traitements par CP), ce phénomène s’amplifie largement, avec un variant dominant qui porte les mutations D796H et DH69/DV70 dans Spike, hors du RBD (double mutant). Entre les jours 86 et 89, le taux d’anticorps issus du CP baisse et le variant dominant porte alors les mutations Y200H et T240I de Spike. Au jour 93, le variant dominant est P330S et les variants précédents deviennent minoritaires. Mais lors du dernier traitement par CP (jours 95), le double mutant redevient dominant. Il existe donc une compétition entre ce variant, qui est positivement sélectionné par le CP, et d’autres formes du virus.

C’est ce qu’on peut représenter schématiquement ainsi :

Par des tests in vitro, ces chercheurs ont détaillé le rôle des 2 mutations de Spike qui ne sont pas situées dans le RBD. Il apparaît que la mutation D796H diminue le pouvoir infectieux mais permet d’échapper aux anticorps neutralisants (du CP et du patient), tandis que DH69/DV70 augmente le pouvoir infectieux, probablement pour compenser. En testant 19 anticorps neutralisants connus et caractérisés, les chercheurs montrent que seuls les anticorps ne ciblant pas RBD sont efficaces contre la mutation D796H.

Ce cas décrit bien comment la pression de sélection des anticorps utilisés en thérapie dirige l’évolution du SARS-CoV-2 chez un patient immunodéprimé. Ces mutations ne sont pas isolées puisque la mutation DH69/DV70 est actuellement en circulation et D796H représente 0.02% des séquences globales. Ce qui est décrit ici a peu de chances de survenir chez un individu immunocompétent, mais soulève la question de la prise en charge des patients immunodéprimés et des recommandations sanitaires qui ne leurs sont pas adaptées.

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