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Le mutant N439K se propage et résiste à certains anticorps

Les études moléculaires mondiales ont répertorié 330 000 séquences virales du SARS-CoV-2 qui ont été collectées et partagées à travers la GISAID Initiative (ww.gisaid.org). Ces données sont essentielles pour surveiller l’évolution de la pandémie et l’émergence de nouveaux variants. En effet, des mutations apparaissent au niveau de la protéine Spike qui interagit avec le récepteur cellulaire ACE2 et permet l’entrée virale dans la cellule. Le domaine RBD de Spike est la cible principale des anticorps neutralisants qui protègent potentiellement un individu d’une réinfection.

Actuellement, la mutation D614G est dominante à travers le monde et n’est pas située dans le RBD (voir lettre News-COVID-19.info du 23-29 novembre 2020). Elle permet au virus une meilleure transmission mais n’accroît pas son pouvoir pathogène (virulence) et ne lui permet pas d’échapper aux anticorps neutralisants. Mais d’autres mutations en circulation pourraient être plus dangereuses, telle que la N439K qui se propage et résiste à certains anticorps.

Pour affirmer cela, des équipes anglaises et américaines (Université de Glasgow, Vir Biotechnology, San Francisco) ont caractérisé les mutations de Spike qui permettent de garder une liaison efficace au récepteur. En s’appuyant sur les séquences déposées dans GISAID, ainsi que sur des approches structurales et des simulations informatiques, ils ont établi que le Receptor Binding Motif (RBM), sous-domaine de RBD, est la zone de Spike la plus sujette aux variations. RBM a une certaine plasticité structurale, puisqu’environ 2/3 des acides aminés (constituants d’une protéine) peuvent y subir des mutations sans altérer la capacité de liaison au récepteur.

Ces chercheurs se sont intéressés ensuite à la mutation N439K, apparue indépendamment en Ecosse (mars 2020) et en Roumanie (mai), qui est aujourd’hui communément répandue dans 34 pays. N439K est située dans le RBM et a émergé de la lignée D614G. Selon leurs projections structurales, cette mutation permettrait de créer un « pont salin » (liaison hydrogène + ionique) entre l’acide aminé 439 et ACE2. On a montré par résonnance plasmonique de surface (SPR) que ce mutant de Spike a 2 fois plus d’affinité pour le récepteur. On pense qu’il serait apparu pour compenser l’effet de la mutation K417V qui, lorsqu’elle est isolée, altère cette interaction.

On a réalisé ensuite des séquençages d’échantillons PCR nasopharyngés chez 1918 patients écossais. Parmi eux, 406 étaient porteurs de la mutation N439K, en plus de D614G, et ne montraient pas de signes cliniques plus ou moins sévères. Des tests d’infection in vitro d’isolats de terrain (GLA1 et 2) ont montré que le virus N439K n’a pas davantage de croissance sur le virus sauvage (non muté). Chez 442 patients guéris d’une infection par le mutant N439K, une fraction minoritaire d’anticorps sanguins ne reconnaissait pas Spike et neutralisait moins efficacement le virus mutant. C’est aussi vrai pour des anticorps isolés et purifiés, dont certains sont approuvés pour des thérapies d’urgence. Cette mutation permet donc d’échapper à certains anticorps neutralisants.

C’est ce qu’on peut représenter schématiquement ainsi :

Ce travail décrit donc un archétype de mutation, N439K, survenant dans le domaine RBM de Spike et qui permet un échappement de la réponse anticorps en gardant une liaison forte avec ACE2. Le mutant s’est propagé efficacement, mais sans meilleure capacité à se répliquer ni de virulence accrue. Son taux reste assez bas puisqu’il ne représente que 2% des séquences SARS-CoV-2 répertoriées dans le monde au 6 janvier 2021.

Cette mutation pourrait donc servir de sentinelle pour suivre la dérive antigénique du RBM du SARS-CoV-2. Ce domaine étant ciblé par les anticorps neutralisants, le risque d’y voir apparaître des mutants d’échappement est élevé. Sa plasticité structurale peut donc engendrer des réinfections, mais aussi l’échec de stratégies vaccinales ou de thérapies par anticorps. Plusieurs variants du RBM sont actuellement en circulation et on devra établir s’ils permettent un échappement, un fitness viral (capacité à se reproduire), ou une virulence accrue.

Malgré tout, au vu du nombre élevé de personnes infectées et de sa faible capacité à muter, le SARS-CoV-2 évolue lentement. La mutation N439K ne permet d’échapper qu’à une minorité d’anticorps neutralisants, et des combinaisons de mutations sont probablement nécessaires pour augmenter le pouvoir infectieux ou permettre un échappement plus efficace.

Cette pandémie sera donc probablement contrôlée par les vaccins actuels, fondés sur des séquences virales originelles. Mais lorsque l’immunité collective sera atteinte, de nombreuses mutations d’échappement risquent d’apparaître. Pour élaborer des vaccins et des thérapies efficaces contre l’échappement, il est préférable que les anticorps ciblent des zones extérieures au RBM, ou alors ciblent les 1/3 d’acides aminés conservés qui s’y trouvent. Il ne serait pas étonnant que certaines mutations permettent d’échapper aussi à la réponse immunitaire cellulaire et innée.

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