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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Les chauves-souris : un réservoir idéal de virus

De nombreuses émergences virales trouvent leur origine chez les chiroptères, appelées couramment chauves-souris. C’est le cas des virus Hendra, Nipah, Marburg, Ebola, la rage, MERS-CoV, SARS-CoV et SARS-CoV-2. Ces zoonoses (transmission de l’animal à l’homme) sont rendues possibles par les caractéristiques particulières de ces mammifères qui en font un réservoir idéal pour les virus. Si les risques de zoonose pour beaucoup de virus avaient été largement anticipés dans la littérature scientifique, ce n’était pas le cas pour la COVID-19. Les interférences croissantes de l’homme avec les écosystèmes naturels (changements climatiques, urbanisation, marchés d’animaux, etc.) laissent à penser que d’autres zoonoses surviendront. Pourtant, le financement des recherches dans ce sens a diminué ces dernières années.

Les chiroptères sont très représentés parmi les mammifères, leurs espèces sont très diversifiées et elles occupent presque toutes les zones du globe. Rapportées à leur petite taille, les chauves-souris vivent plus longtemps que les humains. Seul mammifère volant, elles ont un rôle important dans la fertilisation, la pollinisation ou le contrôle des insectes. Le vol leur demande énormément d’énergie, et pour la conserver, elles sont capables d’entrer en micro-hibernation épisodiquement dans la journée (ou plus longtemps). Elles dégradent les sucres très rapidement et accélèrent très fortement leur rythme cardiaque en fonction des besoins. Elles ont un régime alimentaire très varié : fruits, insectes, pollen, poissons, sang (comme c’est le cas de l’espèce des vampires). Elles sont capables d’écholocalisation par ultrason (vision acoustique) et de magnéto-réception (perception des champs magnétiques).

Au niveau de leur santé, elles répondent mieux à divers stress que les autres mammifères, développent très peu de cancers et sont capables d’héberger de nombreux virus sans être malades. Elles ne développent aucun symptôme si on leur inocule de hautes charges virales d’Ebola, de MERS-CoV ou de SARS-CoV-2. A l’inverse, le pangolin, suspecté d’être un hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l’homme, développe des œdèmes pulmonaires et une inflammation prononcée lorsqu’il est infecté par le SARS-CoV-2. La chauve-souris est même l’hôte mammifère portant le plus de pathogènes zoonotiques, avec par exemple 54% des coronavirus connus provenant des chauves-souris. Cette particularité provient du fait qu’elles sont capables de réguler leur inflammation et leur immunité (durant l’hibernation notamment), ce qui module la balance défense/tolérance pour ne pas tomber malades. A l’inverse, les cas critiques de COVID-19 ou d’Ebola chez l’homme proviennent majoritairement d’une hyper-inflammation menant à des défaillances d’organes multiples.

En détail, la régulation de la réponse immunitaire innée chez les chiroptères est différente de la nôtre et lui permet de contrôler les nombreux virus qu’elle héberge. Tandis que chez les humains, l’interféron (IFN, cytokine pro-inflammatoire impliquée dans la réponse innée antivirale) a une expression basale faible mais très induite par la présence d’un virus, chez la chauve-souris, le niveau basal est beaucoup plus élevé et peu inductible, ce qui minimise la production d’autres cytokines pro-inflammatoires. De plus, l’IFN active chez elle des gènes qui ne le sont pas chez l’homme. Les mécanismes d’autophagie (dégradation du virus par la cellule infectée) sont ainsi beaucoup plus importants que chez l’homme. Elle exprime aussi beaucoup plus de Heat Shock Proteins (HSP) et d’acteurs de la réparation de l’ADN, ce qui la rend capable de supporter des températures (notamment en plein vol) et des stress oxydatifs très élevés, de mieux réguler l’inflammation, la mort cellulaire, la sénescence et la cancérogénèse. Certains gènes impliqués dans ces réponses sont différents (STING), régulés à la baisse (NLRP3), ou absents (PYHIN).

Bien qu’il existe des variations entre les différentes espèces, l’évolution génétique de la chauve-souris pourrait avoir été conduite par les demandes métaboliques et les températures corporelles élevées que demande le vol actif. L’altération de son immunité, qui ne cherche pas à combattre systématiquement les virus et applique moins de pression de sélection, pourrait expliquer pourquoi ils deviennent si virulents lorsqu’ils passent chez l’homme, un hôte beaucoup plus réactif à leur présence.

La chauve-souris est donc un mammifère à part avec une santé exceptionnelle. Des recherches internationales plus intensives et coordonnées sur cet animal sont nécessaires afin de mieux identifier les acteurs-clés de sa régulation inflammatoire. Mais peu d’outils et de réactifs sont disponibles à cette heure et la chauve-souris n’est toujours pas un modèle animal de laboratoire. Pourtant, elle pourrait nous permettre de mieux prédire, prévenir et contrôler les prochaines zoonoses. Elle pourrait aussi nous donner des outils importants pour combattre le vieillissement, le cancer, et de nombreuses maladies auto-immunes et infectieuses.

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