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Le nationalisme vaccinal : solution ou chimère ?

Dans certains pays, le déploiement de vaccins sûrs et efficaces a permis de réduire le nombre de cas, les hospitalisations et les morts dus à la COVID-19. L’éventuelle nécessité d’une troisième dose, pour compenser un potentiel déclin de l’immunité ou augmenter la protection contre certains variants, encourage le « nationalisme vaccinal », c’est-à-dire que les pays stockent des doses de vaccin pour favoriser leurs citoyens. Pourtant, certains pays ont un accès limité à ces doses. Au moment de l’écriture de cet article, le Royaume-Uni avait administré 137 doses pour 100 habitants, alors que l’Afrique se situait à 8,5.

L’initiative politique COVAX (COVID-19 Vaccines Global Access) réunit plusieurs pays dans le but de combler ces disparités mais le mode de répartition des doses, fondé sur la taille de la population, est sujet à débats. On préconise désormais un mode de distribution plus juste (« fair priority model »). Nous devons impérativement anticiper les effets de telles disparités afin de mieux comprendre la dynamique de transmission du virus et la réduire au mieux.

Pour ce faire, des chercheurs américains et canadiens (Universités de Princetown et de McGill) ont créé un modèle pour estimer à moyen et long termes la dynamique et l’évolution du virus dans deux régions hypothétiques, l’une ayant accès aux vaccins et l’autre ayant un accès limité (High and Low Access Regions, HAR & LAR). La variable principale du modèle est le nombre de doses cédées par le HAR au LAR. Mais ce modèle intègre aussi l’efficacité et la durée de l’immunité (naturelle ou vaccinale après une ou deux doses) et donc la proportion de gens immunisés, la fréquence du régime de vaccination, la taille de la population, l’efficacité de transmission du virus, ou encore l’importation de nouveaux cas due à l’immigration (la dynamique de l’épidémie par pays est considérée comme indépendante ou non). Ces variables engendrent alors de nombreux scénarios possibles.

A moyen terme, si le pays LAR ne reçoit pas de doses du HAR, le nombre d’infections augmente et l’amplitude de ce phénomène dépend largement de l’efficacité de l’immunité naturelle. Puisque le nombre de cas est plus élevé dans les deux pays, cela favorise aussi l’évolution du virus vers de nouveaux variants avec de nouvelles propriétés possibles, ce qui modifie profondément l’épidémiologie dans les deux pays. Lorsque les frontières sont ouvertes, une transmission soutenue dans le pays LAR a tendance à saper le contrôle de l’épidémie dans le pays HAR par la vaccination : si le virus est très transmissible ou échappe partiellement à l’immunité vaccinale, le nombre de cas augmente substantiellement dans le pays HAR. Il doit par conséquent investir massivement dans des stratégies de surveillance (contrôles aux frontières, analyses du génome viral…) pour prévenir l’entrée de nouveaux cas, ce qui représente un coût considérable. Les conséquences cliniques et épidémiologiques sont très largement accentuées à long terme dans un scénario où l’immunité diminuerait avec le temps.

Si le partage de doses est suffisant, le nombre de cas est considérablement diminué dans les deux pays à moyen terme. Pour le pays HAR, il n’est plus nécessaire d’investir dans la surveillance. De plus, ce scenario freine largement l’évolution du virus et sa dynamique de transmission. Lorsque les pays diffèrent beaucoup par la taille de leur population ou par le taux de transmission, cela complexifie les choses, en particulier si l’immunité vaccinale est faible. Selon l’efficacité du vaccin, sa disponibilité, ou l’efficacité de transmission du virus, plusieurs autres scénarios sont possibles mais ne diffèrent que subtilement. Là encore, les bénéfices à long terme sont plus mitigés si l’immunité chute avec le temps.

En plus des arguments éthiques, ce travail plaide pour un déploiement rapide, homogène et équitable des vaccins pour un meilleur contrôle global de la pandémie. Les politiques de stockage des surplus doivent être réévaluées afin d’exporter des doses. Ce travail souligne aussi l’importance de continuer à évaluer la robustesse de l’immunité vaccinale dans le temps car cette variable influence considérablement le fardeau global de la pandémie.

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