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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Le domaine Fc s’avère aussi utile

Aujourd’hui, seuls la Dexamethasone (immunosuppresseur) et le Remdesivir (antiviral) ont montré une efficacité clinique pour traiter la COVID-19, mais uniquement sous certaines conditions. Le transfert passif d’anticorps neutralisants (issus de patients convalescents) est une alternative intéressante car elle peut être utilisée en prévention mais aussi en thérapie. Cette approche a prouvé son efficacité dans un certain nombre de modèles précliniques (souris, hamster, singe) et a montré des résultats encourageants en essais cliniques. La FDA (Food & Drug Administration) a d’ailleurs autorisé le Bamlanivimab et de Casirivimab (anticorps neutralisants monoclonaux) pour traiter certains patients. Les anticorps les plus efficaces ciblent le domaine RBD (Receptor Binding Domain) de Spike, qui interagit avec le récepteur ACE2, bloquant ainsi l’entrée du virus dans la cellule-cible.

Outre ce mécanisme de neutralisation directe, les anticorps peuvent également permettre de tuer les cellules infectées par la fonction « Fc effectrice » : le domaine Fc (différent de celui qui interagit avec Spike) se lie aux récepteurs FcɣR situés sur certaines cellules immunitaires, ce qui optimise la réponse immune. Cela apparaît efficace pour traiter les personnes infectées.

C’est ce qu’on peut représenter schématiquement ainsi :

Mais certaines études suggèrent que ce mécanisme pourrait augmenter l’infection virale ou provoquer des réactions immunitaires inappropriées. Il est donc nécessaire de mieux connaître les implications de la fonction Fc dans la protection spécifique contre le SARS- CoV- 2.

Des chercheurs américains des Universités de Saint Louis et de Nashville ont évalué les effets d’un anticorps neutralisant dénué de fonction Fc. Ils ont utilisé un anticorps dirigé contre RBD, le COV2-2050. Ils ont fait muter sa région Fc pour la rendre inopérante (LALA-PG), puis l’ont caractérisé par des tests in vitro. Ils ont administré en intrapéritonéal des doses croissantes d’anticorps à des souris transgéniques, qui expriment le récepteur ACE2 humain, 16h avant que les souris ne soient infectées par le SARS-CoV-2 (intranasal).

Quelles ont été les observations ? Avec un anticorps de contrôle (non spécifique au SARS-CoV-2), les souris perdent du poids et montrent une charge virale (détectée par PCR) élevée les jours suivants. Lorsque le COV2-2050 ou le LALA-PG sont administrés, ils protègent les souris avec la même efficacité : la perte de poids est bloquée avec 1,6 mg d’anticorps, et l’infection virale est réduite avec 8 mg. Ces résultats reposent uniquement sur les fonctions de neutralisation directe des anticorps.

Mais lorsque l’anticorps COV2-2050 est administré après l’infection (1, 2 ou 3 jours), il réduit la perte de poids, la charge virale, l’inflammation pulmonaire et la létalité. Cependant, on n’obtient pas du tout ces résultats avec le LALA-PG. Ils ont donc observé que la fonction Fc effectrice réduit l’activation et l’infiltration des cellules immunitaires, mais aussi les niveaux de cytokines inflammatoires (IL-6, IFN-ɣ, CXCL10…) dans les poumons, ce qui améliore les fonctions respiratoires et le pronostic clinique.

L’anticorps natif apparaît donc plus efficace lorsqu’il est administré avant le pic de réplication virale qui est à 2 jours dans ce modèle. Ils ont confirmé ces résultats chez le hamster, mais aussi avec 3 autres anticorps neutralisants (COV2-3025, COV2-2072, COV2-2381).

En réalisant un séquençage des ARN de cellules pulmonaires des souris 8 jours après l’infection, les chercheurs observent que le COV2-2050, mais non le LALA-PG, réduit l’expression de gènes liés à l’immunité innée (dépendants des voies IFN et NF-κB). De plus, l’expression des gènes impliqués dans la réparation des tissus pulmonaires reste intacte et identique à celle de souris naïves.

De plus, afin d’identifier quels types cellulaires sont impliqués dans ces mécanismes, ces chercheurs ont recommencé l’expérience en administrant aux souris des anticorps spécifiques de certaines cellules immunitaires (monocytes, NK, neutrophiles, TCD8+) pour provoquer leur destruction (déplétion par anticorps). Ils ont observé que la présence de monocytes (qui peuvent se différencier en macrophages ou en cellules dendritiques) est nécessaire pour protéger de la perte de poids, alors que les cellules TCD8+ sont indispensables pour éliminer le virus de l’organisme. Au cours de cette étude, les phénomènes d’augmentation de l’infection ou de réaction inflammatoire inadaptée n’ont pas été observés.

C’est ce qu’on peut représenter schématiquement ainsi :

En conclusion, la fonction de neutralisation des anticorps apparaît suffisante pour prévenir l’infection (traitement prophylactique), mais une fois l’infection établie, ce mécanisme n’est plus suffisant pour une thérapie et la fonction Fc effectrice devient indispensable. Par son action sur les monocytes, qui expriment FcgR et sécrètent des cytokines, le Fc va reprogrammer la réponse immunitaire et atténuer l’inflammation. De plus, la phagocytose du virus par ces cellules (une fois devenues matures) va optimiser l’activation des cellules TCD8+, qui vont à leur tour se charger de lyser les cellules infectées et finalement éliminer le virus de l’organisme. Bien que ces mécanismes méritent d’être approfondis, les chercheurs suggèrent que l’optimisation des domaines de neutralisation mais aussi Fc des anticorps par ingénierie moléculaire devrait permettre d’améliorer les thérapies.
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