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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Le Baricitinib : un médicament deux fois plus efficace ?

Les cas sévères de COVID-19 sont associés à une hyper-inflammation accompagnée d’un « orage de cytokines », engendrant une défaillance des fonctions pulmonaires et un syndrome respiratoire aigu. Mais d’autres organes comme le foie (dans 60% des cas sévères), le système vasculaire, le cerveau ou les reins peuvent aussi être affectés pour des raisons encore mal comprises.

Il faut préciser aussi que les cytokines sont des petites protéines sécrétées à la suite de l’infection qui régulent à distance l’activité des cellules immunitaires. Certaines peuvent servir de marqueurs pour prédire la mortalité de la COVID-19.

On pense que le Baricitinib, immunosuppresseur habituellement utilisé pour les cas d’arthrite rhumatoïde, pourrait être efficace pour traiter les formes sévères de COVID-19. Ce médicament pourrait théoriquement avoir une double action : elle bloquerait d’une part l’entrée du virus et d’autre part aurait un effet anti-inflammatoire.

Pour vérifier cette hypothèse, un consortium d’équipes de recherche (suédoise, espagnole, italienne et anglaise) a évalué les effets du Baricitinib sur 601 patients issus de deux cohortes espagnoles et italiennes. On l’a administré par doses quotidiennes de 2 à 4 mg sur 3 à 14 jours et ses effets ont été comparés à ceux de traitements « standards » pour ces essais (hydroxychloroquine + ritonavir, antibiotiques, corticoïdes, héparine).

Dans le groupe standard, 34,9% des patients ont nécessité une assistance respiratoire ou sont décédés, contre 16,9% dans le groupe ayant reçu le Baricitinib. Les bénéfices thérapeutiques sont donc apparus très tôt. Certains effets secondaires ont été observés : on a, en effet, relevé des atteintes hépatiques de type transaminite le plus souvent, avec parfois des surinfections bactériennes dues à l’immunosuppression. Toutefois, le lien de causalité n’est pas clairement établi. Les auteurs ont par la suite validé leurs observations sur une cohorte supplémentaire de 48 patients italiens présentant des cas modérés de COVID-19 et qui ont tous guéri.

Ils ont aussi approfondi les résultats par des approches in vitro sur les cellules hépatiques (organoïde 3D de cellules du foie). Dans celles que l’on a infectées, les interférons IFN-a2 et IFN-b (cytokines sécrétées lors de la COVID-19) ont pour effet de stimuler l’expression de ACE2 (récepteur du virus) ce qui stimule également la réplication virale. Or, ce phénomène est aussi inhibé par le Baricitinib à des doses comparables à celles utilisées en clinique. En revanche, cet effet n’est pas observé dans des modèles de cellules pulmonaires ou endothéliales (intérieur des vaisseaux sanguins). Par des approches génétiques (RNA-Seq), les chercheurs montrent que le Bariticinib réduit l’expression des gènes précisément exprimés par les IFNs, en inhibant la signalisation JAK/STAT. Ce médicament a donc un effet antagoniste à celui des IFNs.

Les auteurs observent enfin que le Bariticinib bloque l’entrée du virus dans la cellule, en inhibant les protéines qui régissent l’endocytose (Numb Associated Kinases, NAKs). Dans le foie, l’effet antiviral repose donc sur la diminution de ACE2 à la surface des cellules mais aussi les mécanismes suivants qui entraînent l’entrée du virus à l’intérieur de la cellule.

Par différentes approches, ce travail confirme que le Baricitinib améliore l’état de santé des patients par une double action : antivirale en bloquant la réplication du SARS-CoV-2, mais aussi anti-inflammatoire en inversant l’effet des IFNs. Il a donc un avantage thérapeutique sur la dexaméthasone, anti-inflammatoire efficace dans les cas sévères mais qui n’agit pas sur le cycle de réplication du virus.

C’est ce qu’on peut représenter schématiquement ainsi :

Les auteurs soulignent que cette étude comporte certains biais : il ne s’agit pas d’un essai randomisé contre placebo, l’influence des comorbidités n’a pas été prise en compte, et les cohortes sont de tailles limitées. D’autres essais cliniques actuellement en cours évaluent l’effet des inhibiteurs de JAK/STAT dans la lutte contre la COVID-19, dont le Baricitinib (ACTT-II et TACTIC-R) et le Ruxolitinib. Ces essais devraient confirmer les résultats obtenus et préciser certains points comme la survenue d’effets secondaires, l’influence de l’âge et de la dose administrée et devraient aider à mieux identifier les cibles moléculaires du Baricitinib.
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