Comme tous les virus, le SARS-CoV-2 évolue pour s’adapter à son environnement. Certains variants actuels échappent aux anticorps produits par une infection ou une vaccination, mais aussi aux thérapies d’urgence par anticorps monoclonaux (mAb). Mais pire encore, cette évolution peut être provoquée par ces mêmes anticorps administrés lors des thérapies, par pression de sélection. L’association de plusieurs anticorps neutralisants pourraient cependant contrecarrer ce phénomène, mais de nombreuses questions subsistent sur l’utilisation de ces mAb en association.
Approuvée en thérapie d’urgence, l’association REGEN-COV (anciennement REGN-COV2, produit par la société pharmaceutique Regeneron avec Roche) est composée de deux mAb, le casirivimab (REGN10933) et le imdevimab (REGN10987). Tous les deux ciblent le RBD (Receptor Binding Domain) de Spike et bloquent l’entrée du virus dans la cellule-hôte.
Des chercheurs de Regeneron ont évalué l’apparition de variants en présence de ces mAb. In vitro, le casirivimab perd beaucoup d’efficacité face aux variants b (sud-africain) et g (brésilien), contrairement au imdevimab et à l’association des deux qui restent efficaces face à tous les variants testés (D614G, anglais, californien, new-yorkais, indiens). Lors de tests in vitro, ces mAbs seuls (ainsi que 9 autres) provoquent l’émergence rapide de mutants d’échappement. En revanche, cela n’apparait pas quand ces mAb sont utilisés en association, sauf dans le cas où ils agissent sur le même épitope (LY-CoV555+CB6). Lorsqu’on ajoute le REGN10985 (un troisième mAb) au REGEN-COV, aucun échappement ne s’observe, c’est-à-dire aucun virus résistant, bien que le potentiel de neutralisation soit similaire au REGEN-COV seul. Les 3 mAb peuvent alors se fixer simultanément sur Spike sans se chevaucher (cryomicroscopie électronique). Pour échapper aux mAb en association, le virus doit en effet subir plusieurs mutations, ce qui rend plus difficile l’apparition de variants (RNA-seq).
Les mAb du REGEN-COV ont été ensuite administrés à des hamsters infectés par le SARS-CoV-2. Sur 40 animaux traités en monothérapie, 18 ont développé des variants du RBD, alors qu’aucun variant n’est détecté chez les 20 animaux traités avec le REGEN-COV ou chez les non traités. Sur 7 variants différents détectés au total, 6 ont déjà été décrits comme variants d’échappement (base GISAID) et 4 avaient été identifiés in vitro. Lors d’essais cliniques où 1 000 patients COVID-19 ont reçu le REGEN-COV, on observe que les patients traités avec ce cocktail développent autant de variants mineurs que le groupe placebo (sur 30 jours). Chez plusieurs patients traités, on identifie, quoique rarement, les mutants S477N, N501T, K537R, S494P, G446V, déjà observés en circulation (base GISAID). Le mutant G446V diminue le pouvoir de neutralisation du REGN10987 de 135 fois, S494P diminue celui du REGN10933 de 4,5 fois et les autres mutations ne permettent pas d’échappement. En revanche, l’association garde son plein pouvoir de neutralisation.
Comparé à l’utilisation des mêmes mAb en monothérapie, la combinaison REGEN-COV2 limite clairement l’apparition de variants d’échappement chez les patients COVID-19. Cette efficacité tient au fait que ces mAb ne sont pas compétitifs et sont relativement efficaces contre les variants actuels. Une association de 3 mAb n’est pas forcément plus efficace en termes de neutralisation mais limite plus efficacement l’échappement. L’identification in vitro des variants d’échappement s’avère un bon modèle prédictif des variants circulants en conditions réelles et corrobore les résultats in vivo.
Finalement, cette étude souligne que chez la majorité des patients COVID-19, plusieurs mutants très hétérogènes évoluent à bas bruit, constituant ainsi un large réservoir de variants actuels et futurs. Une surveillance constante est donc nécessaire pour maintenir l’efficacité de ces approches thérapeutiques.