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Les anticorps monoclonaux sont-ils efficaces ?

Durant la pandémie de la COVID-19, on a souvent parlé des anticorps monoclonaux (mAb). Cette technique n’est cependant pas nouvelle. Les anticorps monoclonaux ont en effet révolutionné le traitement de nombreuses maladies comme le cancer, les maladies auto-immunes et inflammatoires, les maladies infectieuses et ils peuvent aussi limiter les rejets de greffe. Les premières sérothérapies datent de 1890 puisque des patients pouvaient acquérir une immunité passive contre le tétanos ou la diphtérie par transfusion de sang d’humains ou d’animaux survivants (anticorps polyclonaux reconnaissant plusieurs cibles).

Les mAb reconnaissent une cible unique et agissent soit en bloquant les fonctions de la cible, soit en recrutant d’autres facteurs immunitaires via leur domaine Fc (fonctions effectrices). Les anticorps neutralisants peuvent bloquer l’entrée virale en se liant soit au virus, soit au récepteur de la cellule cible. En 1998, le palivizumab fut le premier mAb neutralisant à apporter un bénéfice thérapeutique dans le traitement des pneumonies causées par le Virus Respiratoire Syncitial (RSV). Par la suite, cette approche a pourtant montré une efficacité limitée dans le traitement des maladies respiratoires. Récemment, plusieurs mAb se sont montrés prometteurs pour traiter l’Ebola, l’Influenza A ou le VIH, par des approches prophylactiques (prévention) ou thérapeutiques (traitement). Pour un virus donné, ces mAb doivent cibler le plus de souches possibles et éviter l’émergence de variants d’échappement. La littérature scientifique n’indique pas de synergie claire lorsque plusieurs mAb non compétitifs sont utilisés en combinaison.

Récemment, la mobilisation mondiale face à la COVID-19 a permis le développement de traitements et vaccins avec une efficacité jamais connue auparavant. RECOVERY a été le plus important essai clinique ayant évalué l’efficacité des traitements par anticorps anti-SARS-CoV-2 (entre autres), mais les transferts de plasma de convalescents ont été stoppés en janvier 2021 par manque d’efficacité. Le problème majeur, c’est le faible taux d’anticorps neutralisants contenus dans ces plasmas. Parmi 13 mAb aujourd’hui approuvés pour traiter des maladies infectieuses, 6 sont utilisés dans les cas d’urgences COVID-19 (dont bamlanivimab, REGN-COV2, etesevimab, regdanvimab). De nombreux autres mAb sont en cours de développement pour aider à juguler les infections aiguës.

D’où viennent-ils ? Ces mAb sont issus d’humains immunisés contre le SARS-CoV-2 ou le SARS-CoV (VIR-7831, ADG2), ou bien proviennent de souris humanisées (REGN10933, ABBV-47D11) ou sauvages (ABBV-2B04).

Mais surtout, comment fonctionnent-ils ? En développement ou déjà autorisés, ils sont tous neutralisants et dirigés contre le Receptor Binding Domain (RBD) de Spike, afin de bloquer la liaison du virus avec le récepteur ACE2 ou d’éventuels corécepteurs. Les mAb de classe I reconnaissent le RBM (Receptor Binding Motif) uniquement sur la forme « ouverte » de Spike (REGN10933, LY-CoV016, AZD8895, Brii-196, ADG2, CT-P59, ABBV-2B04) alors que les mAb de classe 2 le reconnaissent sous ses 2 formes (LY-CoV555, AZD1061, BGB-DXP593). Le VIR-7831 reconnaît le glycane (sucre complexe) de la position N343. Dans certains cas, ces mAb peuvent inactiver Spike en provoquant un changement structural vers sa forme de fusion. Certains peuvent aussi la bloquer en la maintenant dans sa conformation fermée (C144). Même si d’autres mAb ciblent des domaines alternatifs au RBM (sites cryptiques, N-terminal domain), aucun n’est en cours de développement. Les fonctions effectrices des mAb sont actuellement en cours d’évaluation car certaines données suggèrent que ces fonctions pourraient augmenter l’infection (Antibody-Dependent Enhancement, ADE). Par précaution, 5 mAb, en cours de développement, ont été modifiés pour abolir ou moduler ces fonctions (dont VIR-7831, VIR-7832, ADG2).

Quelle est leur efficacité ? Lorsque les premiers mAb furent autorisés, les variants actuels n’étaient pas encore établis. Le taux de mutation du SARS-CoV-2 étant relativement faible, on avait sous-estimé l’échappement immunitaire. On pensait aussi que les mAb anti-RBM limiteraient ce phénomène car le site RBM est très conservé (il mute peu car il est essentiel au virus).

Mais de récentes études ont montré qu’il était relativement perméable aux mutations. Poussé par la pression immune, le SARS-CoV-2 a d’abord muté en D416G. Devenu dominant, ce variant a ensuite ouvert la voie à plusieurs autres qui représentent 90% des séquençages actuels : anglais (B.1.1.7, nouvelle nomenclature OMS : alpha, ⍺), sud-africain (B.1.351, nouvelle nomenclature OMS : bêta, β), indien (B.1.617.1, nouvelle nomenclature OMS : kappa, κ; B.1.617.2, nouvelle nomenclature OMS : delta, δ), nigérien (B.1.525, nouvelle nomenclature OMS : eta, ή), new-yorkais (B.1.526, nouvelle nomenclature OMS : iota, Ɩ), brésilien (P.1, nouvelle nomenclature OMS : gamma, ɣ; P.2, nouvelle nomenclature OMS : zeta, 𝛇), californiens (B.1.427/B.1.429, nouvelle nomenclature OMS : epsilon, e), écossais (B.1.258), Liverpool (A.23.1). Souvent associées à une transmissibilité accrue, certaines mutations permettent d’échapper à plusieurs mAb, dont certains ont été retirés des essais cliniques. Le bamlanivimab, les cocktails REGN-COV2 (casirivimab+imdevimab) et ABBV-2B04+ABBV-47D11 sont sensibles aux mutations E484K et K417N/T trouvées chez les variants B.1.351, B.1.525, B.1.526, A.23.1 et P.1. En revanche, les mAb insensibles à ces mutations font l’objet d’une attention particulière (VIR-7831, COV2-2196).

Efficacité des anticorps monoclonaux contre les variants du SARS-CoV-2

D’autres éléments peuvent expliquer l’efficacité relative des mAb. Le dosage, le mode et le moment d’administration, la séropositivité ou non du patient et le titre viral sont des facteurs-clés du succès thérapeutique des mAb. Ainsi, au cours de thérapies précoces, le REGN-COV2 s’est montré le plus efficace lorsqu’il était administré tôt à des patients séronégatifs ayant une charge virale élevée et des symptômes modérés. De plus, les anticorps de l’hôte contribuent aussi à atténuer la sévérité de la maladie. Au début, le REGN-COV2 était administré à des doses trop élevées : il n’y avait pas d’effet-dose, cela interdisait l’administration sous-cutanée ou intramusculaire et limitait la production à grande échelle.

Mais il faut aussi bien tenir compte du moment où l’on commence cette thérapie. Ainsi, le VIR-7831 (sotrovimab) est en passe d’être approuvé pour les thérapies d’urgence car il a donné des résultats spectaculaires (phase 3) sur des patients à haut risque (+55 ans avec comorbidités), réduisant la mortalité et les hospitalisations de 85%. De plus, il est capable de neutraliser tous les variants actuels. D’autres sont actuellement en développement pour des thérapies précoces (AZD7442, BGB-DXP593, ADG20).

Quant aux thérapies tardives par les mAb, celles qu’on administre longtemps après la déclaration des symptômes, elles sont historiquement moins efficaces. Le bamlanivimab, VIR-7831 et Brii-196 viennent d’être retirés de l’essai ACTIV-3 du NIH (National Institute of Health), mais d’autres mAb sont en cours d’évaluation. Alternativement, des mAb anti-IL6 (sarilumab, tolicizumab) sont évalués dans 3 essais tardifs différents (RECOVERY, REMAC-CAP, COVACTA) et donnent actuellement des résultats contradictoires. Le bamlanivimab et le REGN-COV2 sont actuellement évalués en prophylaxie (essais BLAZE-2, Study 2069) et semblent limiter les risques de COVID-19 symptomatiques. Cela pourrait représenter une alternative pour les patients non éligibles à la vaccination ou qui y répondent peu. D’autres sont en cours d’essais cliniques (AZD889, AZD1061).

Ces mAb ont des mécanismes d’action, des effets et des sensibilités différentes aux variants, mais leurs stabilités et leurs efficacités peuvent être modulées par ingénierie moléculaire. Au cours de l’année passée, le domaine des mAb anti-infectieux a progressé plus vite qu’au cours des 20 dernières, ce qui devrait favoriser l’applicabilité à d’autres maladies. Malgré cela, l’accès global à ces approches reste limité par la nécessité de volumes élevés et de modes d’administration nécessitant une hospitalisation.

Anticorps monoclonaux en cours d’étude pour traitement ou prévention de la COVID-19

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