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La synergie de deux anticorps

Le SARS-CoV, le MERS-CoV et le SARS-CoV-2 ont provoqué des épidémies au cours des 20 dernières années. Les β-coronavirus proviennent souvent d’animaux chez qui ils ne provoquent pas de maladies, en particulier la chauve-souris. Lors de la réponse immune humaine, les anticorps neutralisants ciblent la protéine virale Spike et bloquent l’interaction du virus avec le récepteur cellulaire ACE2. Sur Spike, le sous-domaine RBM (Receptor Binding Motif), contenu dans le domaine RBD (Receptor Binding Domain), est très immunogène et induit des anticorps neutralisants efficaces contre le SARS-CoV-2. Mais, le RBM est peu conservé parmi les b-coronavirus de sorte que les anticorps ne sont pas, la plupart du temps, capables de neutraliser plusieurs souches virales à la fois. De plus, la dérive antigénique du RBD permet à certains variants d’échapper aux anticorps neutralisants, remettant en question l’efficacité des vaccins et traitements par les anticorps actuels.

Une équipe californienne (The Scripps Research Institute) a isolé chez un patient COVID-19 un anticorps (CV38-142) capable de neutraliser in vitro le SARS-CoV-2 et le SARS-CoV. Par la méthode de Biolayer Interferometry (BLI), ils montrent que l’anticorps se fixe avec une affinité forte et comparable aux RBD des souches SARS-CoV-2 (Wuhan), SARS-CoV, RaTG13 et Guangdong Pangolin Coronavirus. La fixation du CV38-142 sur Spike ne perturbe pas la fixation de plusieurs autres anticorps neutralisants puissants, dont un a aussi une réactivité croisée (COVA1-16). Utilisés en « cocktail », le CV38-142 et le COVA1-16 agissent en synergie puisqu’ils neutralisent le SARS-CoV-2 et le SARS-CoV de manière beaucoup plus efficace qu’individuellement. C’est aussi vrai pour les variants anglais (B.1.1.7) et sud-africain (B.1.351).

Ces chercheurs ont ensuite procédé à des analyses structurales pour comprendre le mode d’action du CV38-142. Par cristallographie, ils ont montré qu’il se fixe à un site conservé du RBD du SARS-CoV-2, qui est éloigné du RBM. Cette interaction requiert principalement la présence d’un sucre (N-glycosylation) sur l’acide aminé N343, puisque le modifier par traitements enzymatiques, par exemple, réduit la fixation du CV38-142. Contrairement à la région du RBD ciblée par le COVA1-16, la cible du CV38-142 est moins conservée et elle est exposée aux solvants. Bien que la fixation soit aussi efficace sur les 2 souches, 8 acides aminés sur 20 diffèrent entre le SARS-CoV et le SARS-CoV-2, ce qui entraîne une perte d’interactions directes entre l’anticorps et Spike. Cela est compensé par de nombreuses interactions indirectes puisque 24 molécules d’eau servent d’intermédiaires à 60 ponts hydrogènes dans le cas du SARS-CoV-2. Ces mécanismes permettent une certaine « souplesse » pour les variations antigéniques. De manière étonnante, le CV38-142 n’entre pas en compétition avec ACE2 pour la fixation à Spike (expériences de BLI et SPR), son mécanisme de neutralisation n’est donc pas classique. Des analyses en microscopie électronique ont montré que l’anticorps interagit avec plusieurs conformations de trimères de Spike, en particulier les états « up » et « down » de RBD. Son mécanisme pourrait reposer sur sa capacité à lier des Spike dimériques ou bien deux molécules de Spike qui sont proches. En effet abolir cette bivalence (anticorps sous forme de Fab) altère le pouvoir de neutralisation du CV38-142.

L’action combinée du CV38-142 et du COVA1-16, deux anticorps neutralisants à réactivité croisée, améliore donc l’efficacité de neutralisation contre plusieurs souches de b-coronavirus, incluant les variants anglais et sud-africain. D’autres anticorps à réactivité croisée, ciblant ces mêmes zones du RBD, ont déjà été décrits et pourraient encore améliorer cette approche. Les thérapies par anticorps neutralisants ne ciblant pas le RBM, trop sujet à échappement, sont des approches prometteuses pour lutter contre la dérive antigénique du SARS-CoV-2. Cette étude fournit aussi des informations utiles pour la conception de futurs vaccins potentiellement efficaces contre d’autres β-coronavirus.

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