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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Se servir d’anticorps de convalescents ?

Le SARS-CoV-2 est le troisième β-coronavirus à émerger chez l’homme. Après les épidémies de SARS-CoV et MERS-CoV, peu d’anticorps neutralisants avaient été isolés pour les thérapies. Actuellement, de nombreux efforts visent à purifier et caractériser des anticorps efficaces contre le SARS-CoV-2 afin de guider les choix de stratégies thérapeutiques et d’évaluer leur réactivité face aux variants actuels.

Des chercheurs américains (Massachusetts Institute of Technology, California Institute of Technology, Harvard et Caltech) ont étudié la production d’anticorps de 14 patients COVID-19 convalescents depuis au moins un mois. Chez 11 patients, on retrouve une activité de neutralisation in vitro dans les prélèvements sanguins avec des efficacités variables. Les cellules B, productrices d’anticorps capables de reconnaître Spike ou son RBD (Receptor Binding Domain), ont été purifiées (cytométrie de flux) afin d’étudier leurs profils génétiques (séquençage VDJ) et de transcription (scRNA-seq). Il s’avère que ces cellules sont enrichies en gènes VH3-53/VH3-66, caractéristiques des anticorps neutralisants de classe 1 ayant un mode d’action commun. Six groupes de transcription distincts sont identifiés (TC, regroupés selon les gènes surexprimés), dont certains sont typiques de cellules B activées (TC4) et mémoires (TC3). Les cellules produisant les anticorps neutralisants les plus puissants correspondent aux cellules B activées et mémoires (TC3 et TC4).

C’est ce qu’on peut représenter schématiquement ainsi :

Ensuite, 92 anticorps, interagissant fortement avec Spike, ont été purifiés à partir des 4 patients ayant le plus d’anticorps neutralisants. Parmi ces anticorps, 56 se lient efficacement à Spike, mais seulement 27 ont une activité neutralisante : ils ciblent le RBD (tests ELISA) et proviennent de cellules B exprimant des IgG. Les 4 anticorps les plus efficaces le sont aussi contre le variant anglais (B.1.1.7), et seulement 2 (BG10-19 et BG7-15) neutralisent le variant sud-africain (B.1.351).

Sur les 92 anticorps, le BG10-19 est le seul capable de neutraliser le SARS-CoV et de manière plus efficace que le S309 (anticorps neutralisant de référence contre les 2 souches). Les analyses structurales montrent que le BG10-19 cible une zone du RBD conservée et différente de celle de liaison avec ACE2 (cryomicroscopie électronique, SPR). En pontant des RBD adjacents du trimère de Spike, cet anticorps maintient le RBD dans une conformation fermée et l’empêche d’interagir avec ACE2.

Finalement, ces chercheurs ont effectué plusieurs mutations sur le RBD de Spike (dont celles des variants actuels) et ont évalué la capacité des 6 anticorps les plus puissants à lier la protéine mutée ou à neutraliser l’infection in vitro par le pseudovirus correspondant. Ces capacités chutent pour la plupart des anticorps, sauf pour le BG7-15 qui reste actif contre la mutation N493K, présente dans les variants brésilien et sud-africain. Les anticorps BG4-25 et BG10-19 restent efficaces simplement contre quelques-unes des mutations. En combinaison, seule l’association de BG4-25 avec BG10-19 montre une activité synergique de neutralisation. Des expériences d’échappement in vitro montrent que le BG10-19 induit deux mutants d’échappement qui n’ont jamais été observés chez l’homme.

Cette approche intégrative permet de mieux comprendre les lois qui régissent la neutralisation. Les anticorps neutralisants puissants contre le SARS-CoV-2 proviennent de cellules B actives et mémoires ayant des profils de transcription communs entre les différents individus convalescents. Ici, la capacité du sérum à neutraliser le virus n’est pas corrélée à la puissance des anticorps d’un même individu, mais plutôt à la taille de ces populations de cellules B ayant une haute affinité pour Spike.

Il est cependant important de vérifier si cette corrélation existe chez les individus vaccinés. De plus, les propriétés uniques du BG10-19 en font un candidat thérapeutique très prometteur, efficace contre les variants actuels et futurs. Cette étude devrait permettre d’élaborer des immunogènes capables de délivrer des réponses immunitaires protégeant du SARS-CoV-2 et de ses variants, mais aussi d’autres souches de coronavirus.

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