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Comment Spike se scinde pour renforcer le virus

Le SARS-CoV-2 peut conduire à des maladies respiratoires graves et à la mort, mais sa capacité à se répandre de manière asymptomatique le distingue du SARS-CoV-1 et du MERS-CoV. Lors de l’entrée de ces virus dans la cellule-cible, la protéine Spike interagit avec le récepteur cellulaire ACE2. Mais Spike du SARS-CoV-2 est plus affine pour ACE2 que celle du SARS-CoV-1. Chez le SARS-CoV-2 et le MERS-CoV, Spike subit un clivage (coupure de maturation) par la Furine (enzyme importante impliquée dans la maturation de l’albumine ou de l’insuline) afin d’optimiser l’attachement. Cette particularité a probablement contribué à leur émergence chez l’homme. Ce mécanisme est aussi exploité par d’autres virus tels que la grippe ou le VIH.

Pour approfondir le rôle de cette enzyme dans la pandémie de COVID-19, des chercheurs américains (Galveston, University of Texas) ont recréé un virus SARS-CoV-2 complet à partir de sa séquence (génétique inverse). Ils ont aboli la capacité de Spike à être clivée par la Furine en introduisant des mutations. La réplication virale du mutant est 25 fois supérieure au virus sauvage (non muté) dans des cellules Vero E6 (reins de singe), modèle fréquemment utilisé pour l’étude de ce virus. Dans ces cellules, le clivage du mutant est très réduit, mais non totalement aboli, ce qui indique que des enzymes autres que la Furine peuvent cliver Spike.

Cependant, la réplication du mutant est atténuée de 10 fois dans des cellules humaines respiratoires. Les chercheurs ont montré que ce clivage alternatif est effectué par TMPRSS2, enzyme exprimée au niveau de la membrane cellulaire et dont les fonctions sont mal connues. Les cellules respiratoires humaines en expriment plus que les Vero E6, et lorsque cette enzyme est surabondante artificiellement dans ces cellules, le mutant se réplique comme le virus sauvage. TMPRSS2 affecte donc l’entrée virale.

In vivo, le virus mutant apparait moins pathogène que le virus sauvage chez les hamsters (comportement inchangé, pas de perte de poids). Le mutant se réplique efficacement chez ces animaux, mais il est éliminé plus rapidement et provoque des symptômes atténués. Lorsque les mêmes hamsters sont réinfectés 28 jours plus tard avec le virus sauvage, les animaux précédemment infectés par le mutant ou par le sauvage sont tous protégés. Ceci indique que le virus mutant stimule des anticorps neutralisants tout comme le sauvage.

C’est ce qu’on peut représenter schématiquement ainsi :

Ces chercheurs ont ensuite validé ces observations chez des souris transgéniques exprimant ACE2 humain : les souris infectées avec le virus mutant développent moins de symptômes. Par des tests in vitro réalisés avec des sérums de 17 patients COVID-19 convalescents, ils ont montré que le mutant est moins sensible aux anticorps neutralisants. En utilisant la microscopie électronique, ils ont aussi remarqué que les virus mutants forment des « grappes », ce qui pourrait expliquer que certains virus soient masqués pour les anticorps, provoquant une forme d’échappement.

Le clivage par la Furine a donc des impacts majeurs sur les capacités d’infection et la pathogénèse du SARS-CoV-2. Lors de la production de stocks de virus sauvages en laboratoire, il convient de compléter les cellules Vero E6 avec TMPRSS2 afin de réduire le risque qu’un mutant n’apparaisse et ne prenne l’avantage.

Cela pourrait aussi avoir des implications dans la production de vaccins vivants atténués s’ils sont produits dans des cellules Vero E6. Le mutant atténue en effet la maladie et protège d’une réinfection, faisant de lui un candidat vaccin prometteur.

Mais les vaccins sont principalement évalués sur leur capacité à stimuler la production d’anticorps neutralisants, et nous avons vu que ces virus mutants y sont moins sensibles.

Il faut donc encore approfondir les connaissances sur la réponse immunitaire et faire preuve de vigilance avant d’opter pour cette stratégie vaccinale. Ces données peuvent aussi avoir des implications pour d’autres coronavirus, puisque des mutations naturelles pourraient moduler ce clivage de Spike et donc changer leur trajectoire épidémique.

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