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Combattre le virus à l’aide de son récepteur

Une des difficultés de la lutte contre le SARS-CoV-2 réside dans le fait que des mutations du virus peuvent lui permettre d’échapper aux anticorps produits par vaccination ou administrés en thérapies passives. En effet, des mutations de la protéine Spike (S) peuvent permettre au virus de contourner l’effet des anticorps neutralisants anti-S qui bloquent habituellement l’infection. En détail, le domaine RBD (Receptor Binding Domain) de S régit l’interaction avec le récepteur ACE2 (Angiotensin-Converting Enzyme 2) de la cellule pour permettre l’entrée du virus. A l’état naturel, Spike est organisée en trimère (3 protéines S distinctes assemblées entre elles) et comporte donc 3 domaines RBD.

Une stratégie intéressante consisterait à utiliser des récepteurs ACE2 solubles qui vont servir de leurres auxquels vont s’accrocher les virus plutôt qu’au récepteur situé sur la cellule-cible, ce qui va bloquer l’infection. L’interaction RBD-ACE2 étant essentielle à l’infection, le virus ne pourrait pas échapper au récepteur soluble par des mutations. Des chercheurs de Seattle ont modélisé par ordinateur de tels leurres, en se fondant sur les données structurales disponibles pour les virus SARS-CoV-1 et -2, afin qu’ils miment les trois domaines d’ACE2 qui se fixent au RBD. ACE2 étant une enzyme impliquée dans la régulation de la pression artérielle, la modélisation a conçu des leurres inactifs et donc sans danger pour l’organisme. Ce « pipeline » a engendré 35 000 molécules et les 196 les plus prometteuses ont été éprouvées expérimentalement pour leurs capacités à se fixer au RBD du SARS-CoV-2. Pour éviter que des mutations de Spike ne lui permettent plus de se fixer sur le leurre, l’interaction leurre-Spike doit être la plus proche possible de l’interaction ACE2-Spike naturelle.

Parmi les meilleures molécules sélectionnées, le monomère CTC-445.2 a été optimisé et a montré les propriétés les plus intéressantes. L’équipe a ensuite amélioré l’interaction en produisant des versions dimériques (assemblage par 2) et trimériques (assemblage par 3) de cette molécule, les CTC-445.2d (dimères) et CTC-445.2t (trimères). Le dimère interagit 10 fois plus fortement que le monomère avec les RBD du SARS-CoV-1 et -2 et il est capable d’entrer efficacement en compétition avec le vrai récepteur ACE2. On a pu vérifier que les leurres ne se liaient pas sur 21 000 protéines humaines testées. Ils sont donc très spécifiques de la protéine virale Spyke, ce qui assure d’éviter certains effets secondaires par la suite. Les analyses de structure (cryomicroscopie électronique et modélisation informatique) montrent que le leurre CTC-445.2 se lie bien aux 3 RBDs du trimère de Spyke et reflète ainsi la liaison naturelle.

La fixation de CTC-445.2 avec les RBD peut être représentée ainsi :

Pour mimer des mutations qui rendraient Spike moins reconnaissable, c’est-à-dire conduisant à des échappements, ces chercheurs ont introduit 1700 mutations dans le RBD de Spike. Ils ont montré que l’interaction du leurre reste forte. Par rapport au récepteur naturel, le leurre est avantagé par sa stabilité et sa petite taille. Cet échappement est possible uniquement si plusieurs mutations apparaissent ensemble sur les RBD de Spyke, ce qui est peu fréquent. 

Suite à ces analyses structurales, l’équipe a ensuite procédé à des tests fonctionnels. In vitro, les CTC-445.2 et CTC-445.2d neutralisent efficacement l’infection par le SARS-CoV-2, sans aucune toxicité pour les cellules ni aucune influence sur l’activité du récepteur ACE2 naturel. In vivo, le CTC-445.2d est stable pendant plus de 24h dans les poumons et les voies respiratoires de souris ayant reçu une seule dose de 100 mg en intranasal. Après 14 jours d’une telle administration quotidienne, aucun effet secondaire n’a été observé. Enfin, une seule dose de 560 mg administrée 12 heures avant une infection par le SARS-CoV-2 protège des hamsters de la détresse respiratoire et de la mort.

Du point de vue thérapeutique, les protéines biologiques issues de sources naturelles (sang, etc…) peuvent avoir de nombreux inconvénients : des effets indésirables dus à des activités résiduelles, des réactions auto-immunes, des quantités limitées, des problèmes de stabilité rendant complexe la fabrication, le stockage et l’acheminement, etc. Les protéines de synthèse (de novo) peuvent quant à elles être améliorées « à la carte ». Les leurres décrits ici sont « hyperstables », inertes pour l’organisme et peuvent résister à l’échappement par mutations. Afin de fournir plus de molécules optimisées, les chercheurs prévoient d’augmenter la cadence de leur pipeline. Il n’est pas indiqué si des essais cliniques sont prévus.

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