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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Cartographier Spike

Des chercheurs viennent d’identifier sur Spike les lieux sur lesquels les anticorps peuvent se fixer. Un choix judicieux d’anticorps permettrait donc de les utiliser en prévention et en thérapie.

Il faut se rappeler que la protéine Spike du SARS-CoV-2 a un intérêt central pour le développement de vaccins et de thérapies par anticorps. En effet, pour que le SARS-CoV-2 infecte une cellule, la protéine virale Spike doit interagir avec le récepteur ACE2 qui est exprimé dans de nombreux tissus dont les muqueuses des voies respiratoires.

On savait déjà que Spike est composée de deux domaines : S1 contient le RBD (receptor binding domain) qui se fixe à ACE2, et S2 régit la fusion membranaire. Spike est dotée d’une structure dynamique qui subit des changements au cours du processus d’entrée, passant d’un état de pré-fusion à un état de post-fusion (voir lettre News-COVID-19.info 18-24 Janvier 2021). Spike du SARS-CoV-2 est relativement proche de celle du SARS-CoV (76% d’homologie), mais peu conservée avec le MERS-CoV et les coronavirus saisonniers (20%). Cela explique pourquoi les réactions croisées des anticorps sont limitées entre ces souches. Les anticorps neutralisants (qui bloquent l’entrée du virus dans la cellule) les plus efficaces ciblent le RBD et empêchent la liaison à ACE2, mais ils peuvent aussi déstabiliser l’état de pré-fusion. Mieux comprendre les mécanismes et les cibles précises des anticorps protecteurs est essentiel dans la lutte contre la COVID-19.

Que sait-on maintenant de plus ?

Des chercheurs de l’Université d’Oxford viennent de caractériser la fixation sur Spike de 377 anticorps issus de 42 patients convalescents. Leurs sites et modes de liaison ont quant à eux été déterminés par une combinaison d’approches classiques (ELISA) mais aussi biophysiques et structurales (cristallographie, cryo-microscopie électronique, et biolayer interferometry BLI). La moitié de ces anticorps reconnaissent Spike du SARS-CoV, et plus faiblement d’autres coronavirus (1 à 7% selon les souches). Parmi ces 377 anticorps, 80 ciblaient le RBD du SARS-CoV-2, et les sites de liaison sont répartis en 5 groupes.

Si on compare Spike à un torse humain, ACE2 se fixe au niveau du cou, et 4 autres groupes se situent sur l’épaule gauche, le cou, l’épaule droite et le flan droit. Le groupe du flan gauche est différent car il ne montre pas d’effet de compétition pour la fixation à ACE2.

L’efficacité de neutralisation de ces anticorps a été déterminée par des expériences d’infection in vitro. Parmi les anticorps dotés du plus fort pouvoir neutralisant, 19 ciblent le RBD et agissent en bloquant la liaison à ACE2. Curieusement, d’autres anticorps ont des mécanismes de neutralisation différents mais incompris, comme celui du mAb 159 qui cible le domaine N terminal de Spike.

Les 19 autres ciblent 2 sites situés entre le cou et l’épaule gauche, autour de la région E484-F486. Les sites de neutralisation sont donc moins dispersés que les sites de liaison. Cette zone est importante puisque la mutation F486L a été précédemment associée au franchissement de barrière d’espèce entre l’homme et le vison, et la mutation E484K est présente dans les variants sud-africain (B.1.351) et brésilien (P.1). Chez 17,5% de ces anticorps, on observe des mutations permettant des glycosylations (N-glycans) dans la région variable, ce qui améliore la neutralisation mais non la liaison. Les propriétés accrues de ces anticorps sont corrélées avec leur mode d’attachement à l’état pré-fusion de Spike, mais l’on ignore les raisons de cette efficacité. Par exemple, l’anticorps le plus puissant (mAb 384) adopte un mode de fixation très particulier, différent des autres et non reporté dans la littérature à ce jour. Même les modes de fixation communs ne requièrent pas seulement la partie variable des anticorps (celle qui se fixe à la cible) puisque certains perdent leur potentiel de neutralisation lorsqu’ils sont réduits en Fab (anticorps amputé de sa queue et de sa fonction bivalente). Sur ces bases structurales, les chercheurs montrent in vitro qu’en choisissant judicieusement des anticorps et en les mélangeant, on peut augmenter le pouvoir de neutralisation de 10 fois.

C’est ce qu’on peut représenter schématiquement ainsi :

Pour finir, ils ont éprouvé leurs anticorps sur un modèle de souris transgéniques exprimant le récepteur ACE2 humain. Lorsque les anticorps mAb 40 ou 88 sont administrés avant que les souris ne soient infectées par le SARS-CoV-2, ils les protègent d’une perte de poids, d’une détresse respiratoire et d’une virémie élevée (réduite de 10 000 fois). Lorsque les anticorps mAb 40, 88, 159, 384 et 253H55L sont administrés un jour après l’infection, ils protègent aussi les souris mais avec une efficacité plus variable (jusqu’à une réduction de 100 fois).

La méthode de cartographie par compétition développée ici, en plus de fournir des informations précieuses sur la neutralisation du SARS-CoV-2, pourrait aussi permettre de choisir des combinaisons d’anticorps en thérapie qui seraient plus efficaces contre les différents variants que les traitements actuels (voir article suivant des mêmes auteurs).

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