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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Une « signature » des cas sévères

L’évolution clinique de la COVID-19 est très hétérogène d’un patient à l’autre : peu ou pas de symptômes, maladie modérée et rétablissement complet, ou encore maladie sévère avec une progression vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SARS), une défaillance d’organes multiples, et cela jusqu’à la mort. Plusieurs facteurs peuvent influencer cette évolution : l’âge, les prédispositions génétiques ou immunitaires, l’obésité, le diabète ou les maladies cardiovasculaires. Bien que ces divergences de symptômes entre patients soient encore mal comprises, on la corrèle notamment à un manque de coordination entre les réponses immunes B et T ou encore le niveau élevé des cytokines pro-inflammatoires. En réponse au SARS-CoV-2, de nombreux mécanismes immunitaires complexes sont activés et évoluent en impliquant diverses cellules qui communiquent entre elles.

Pour mieux comprendre ce qui définit du point de vue sanguin la sévérité de la maladie, des chercheurs du NIH (Bethesda, USA) ont réalisé un suivi multiparamétrique et longitudinal (jusqu’à + 40 jours selon les cas) de 33 patients COVID-19 hospitalisés. A partir des cellules mononuclées sanguines (PBMC), cette analyse simultanée à l’échelle de la cellule unique (CITE-seq) a évalué les niveaux d’expression des gènes de 188 protéines de surface, mais aussi des gènes globaux (mRNA transcriptome) ainsi que la séquence des anticorps et des récepteurs. Elle a aussi pris en compte les niveaux de protéines circulantes (dont les cytokines) au cours du temps et la caractérisation des différentes populations de cellules sanguines. Ces données ont été traitées par des modèles informatiques puis comparées à celles d’autres cohortes indépendantes afin de trouver des corrélations.

On révèle donc ainsi les indicateurs sanguins des malades sévères du virus. In fine, ce travail signale un réseau de « signatures » spécifiques (sur- ou sous-expression de gènes particuliers) associées à la sévérité de la maladie.

Il apparaît ainsi que le moment de l’analyse est crucial pour évaluer la réponse à l’infection. Les premiers prélèvements (T0) ont été effectués en moyenne 11 jours après l’apparition des symptômes, au moment de l’hospitalisation. Plusieurs évènements majeurs se distinguent :

  • on observe dès T0 une chute de la réponse Interféron de type I (IFN, associée à l’immunité innée et à l’inflammation) dans les PBMC, qui est très marquée chez les patients critiques et plus progressive chez les patients les moins sévères.
  • on observe également une chute des niveaux de cellules dendritiques sanguines (impliquées dans le déclenchement de la réponse adaptative et qui produisent des IFN). Cette chute serait due à l’apoptose de ces cellules (mort programmée) pour des raisons inconnues.
  • les cellules NK CD56dimCD16hi (Natural Killer, lymphocytes de la réponse innée détruisant les cellules infectées) semblent perdre leurs fonctions : l’expression des gènes impliqués dans l’inflammation (INFɣ, NF-κB, mTORC1) chute, mais celles des gènes impliqués dans le métabolisme des acides gras (entre autres) augmente, ce qui est corrélé avec le taux d’IL-15 circulante. Les raisons sont inconnues, mais probablement signes de dysfonctionnements. Ces cellules perdent leur capacité à détruire les cellules infectées, ce qui est leur fonction principale.
  • chez les patients les plus sévères, l’inflammation qui était faible devient élevée aux jours 17-23, signant l’hyper-inflammation typique. Les chercheurs suggèrent que cette seconde vague tardive pourrait être déclenchée par des surinfections bactériennes, puisqu’ils détectent des marqueurs spécifiques (LBP, Lipocalin-2) précisément à cette période. En effet, les dommages observés dans les tissus et organes de ces patients pourraient permettre un transfert de bactéries commensales d’un organe à l’autre. Ce phénomène a déjà été observé lors d’infections grippales sévères.

C’est ce qu’on peut représenter schématiquement ainsi :

On est donc maintenant en mesure de mieux décrire les caractéristiques du sang des cas sévères. Cette étude comporte cependant des limites (pas de validation des résultats avec des protéines…) et doit être confirmée avec de plus grandes cohortes et selon des prélèvements plus réguliers. Les hypothèses pour expliquer la 2e vague inflammatoire doivent aussi être éprouvées sur des modèles animaux. Mais elle fournit un « atlas » d’évènements génétiques et révèle un réseau complexe de signatures liées à la sévérité de la COVID-19, et souligne également l’importance du timing lors des stratégies thérapeutiques. Par exemple, l’exposition persistante à l’IL-15 peut mener à un dysfonctionnement des cellules NK. Selon les paramètres du patient, un traitement anti-IL-15, en alternance avec de l’IL-15 (on-off-on), pourrait probablement rétablir le fonctionnement de ces cellules au moment de la deuxième vague inflammatoire. La médecine personnalisée se montre une fois de plus nécessaire pour lutter contre la COVID-19.

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