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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Que révèlent les organes des autopsies ?

La pandémie de COVID-19 est en passe d’avoir causé la mort de 2 millions de personnes dans le monde. Dans les hôpitaux et les laboratoires de recherche notamment, on a amélioré les connaissances sur cette maladie et on a proposé certains traitements et vaccins. Par exemple, les autopsies de patients décédés fournissent des informations morphologiques pour comprendre quelles défaillances d’organes ont mené à la mort. En revanche, peu de données moléculaires sont disponibles pour les expliquer. Cela nuit à une prise en charge optimale des patients puisqu’on connait mal quelles sont les molécules biologiques précises que les médicaments devraient cibler.

Pour approfondir ce point, des équipes universitaires chinoises (Hangzhou, Wuhan) ont étudié l’ensemble des protéines exprimées dans divers organes de 19 patients décédés de détresse respiratoire liée à la COVID-19 (étude protéomique). Parmi eux, 7 avaient des défaillances d’organes multiples et 14 des signes de septicémie (inflammation généralisée suite à une infection grave). Cette analyse s’est concentrée sur 7 organes (poumons, reins, foie, cœur, rate, thyroïde et testicules) et les résultats ont été comparés à ceux de 56 patients non atteints de COVID-19 mais ayant subi de la chirurgie afin de traiter d’autres maladies. Au total, 144 organes COVID-19 et 74 organes négatifs ont été analysés. Par cette méthodologie (Tandem Mass Tagging), on a observé les profils d’expression de 11 394 protéines et on a effectué des comparaisons à des bases de données et à la littérature scientifique. Pour contrôler les erreurs potentielles, la sélection d’échantillons a été choisie au hasard, les analyses reproduites de nombreuses fois, les résultats soumis à des analyses statistiques poussées, et certaines observations ont été vérifiées par des expériences in vitro supplémentaires.

Au total, 5336 protéines étaient clairement dérégulées (plus ou moins exprimées en comparaison avec les conditions normales) dans au moins un organe de patient COVID-19. A part pour les testicules, seulement 27 protéines identiques étaient dérégulées dans 6 autres organes, ce qui suggère que chaque organe répond différemment à l’infection par le SARS-CoV-2. La Protéine inflammatoire C-Réactive (CRP) et le récepteur CD163 (récepteur très exprimé sur les cellules immunitaires macrophages M2) étaient les protéines les plus surexprimées à la suite de l’infection, ce qui reflète l’état d’hyper-inflammation des patients. De nombreuses autres protéines étaient dérégulées à la suite de l’infection, dont on peut citer quelques exemples :

  • Le récepteur du virus ACE2 n’était pas dérégulé dans les poumons. Cependant, cinq protéines potentiellement impliquées dans l’entrée virale étaient surexprimées. Parmi elles, CTSL (protéine du système endosomal) était très présente dans les poumons, la rate, les reins et la thyroïde, faisant d’elle une meilleure cible thérapeutique pour bloquer l’infection qu’ACE2.
  • De nombreuses protéines impliquées dans les mécanismes de coagulation étaient dérégulées, reflétant la microthrombose (obstruction de la circulation sanguine) fréquemment observée dans les cas sévères. La protéine VWF, qui régule l’agrégation des plaquettes à la suite d’une lésion, était présente au-delà de la normale dans les reins, ce qui indique un risque de thrombose plus élevée dans cet organe. Certains précurseurs de la fibrine (FGA, FGG FGB) sont trop présents dans les poumons, ce qui favorise la formation de caillots sanguins et de fibrose.
  • Certaines protéines régulant l’immunité (CEACAM1, CD274 et CD276,…) sont sur-représentées uniquement dans les poumons et la rate, ce qui indique que le fonctionnement de l’immunité adaptative pourrait être altéré dans ces organes.
  • De nombreuses protéines liées à la réponse à l’hypoxie se retrouvent dérégulées dans le foie ou le cœur, ce qui reflète la défaillance des fonctions pulmonaires, entraînant un manque d’oxygénation de ces organes. Cela engage ensuite une stimulation supplémentaire de la réponse inflammatoire (protéines GSEA et cytokines) en activant la voie NF-kB, ce qui contribue à l’hyper-inflammation.
  • Un total de 139 protéines liées aux processus d’angiogenèse (formation de nouveaux vaisseaux sanguins) avaient une expression anormale. Cela reflète qu’en réponse aux thromboses et à l’hypoxie, le corps cherche à optimiser l’afflux sanguin.
  • Dans la thyroïde, la chimiokine CXCL12 (protéine qui régule la mobilité des cellules immunitaires) est trop présente, ce qui indique une infiltration de lymphocytes et de macrophages dans cet organe.

Dans cette étude, le nombre d’échantillons était relativement limité, les patients négatifs souffraient de certaines maladies, et il était difficile d’évaluer l’influence d’éventuelles comorbidités. Mais cette analyse systématique fournit une riche ressource moléculaire pour mieux comprendre la physiopathologie de la COVID-19. Plusieurs processus biologiques pertinents ressortent de ce travail, dont la réponse immune, l’hypoxie, la coagulation ou la fibrose.

Mais certaines protéines sont impliquées dans des processus moins attendus (dérèglements du métabolisme du glucose et des graisses, dérèglements au niveau des testicules et de la production d’hormones) qui restent à interroger. Cet « atlas protéomique » offre de nombreuses pistes thérapeutiques à explorer.

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