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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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L’Afrique est-elle réellement moins touchée ?

L’Afrique représente 17 % de la population mondiale. Paradoxalement, elle ne représente que 5% des cas de COVID-19, et 3% des décès dans le monde en juillet 2020. C’est beaucoup plus faible que dans d’autres pays (Chine, Europe, USA), où la séroprévalence (présence d’anticorps anti-SARS-CoV-2 dans le sang) se situait généralement entre 5 et 11% à la fin de la première vague et où les décès se comptent par dizaines de milliers. Ainsi, au Kenya, depuis le premier cas décrit le 12 mars 2020 jusqu’au 31 juillet 2020, 20 636 cas et 341 morts ont été rapportés. Mais les données sérologiques en Afrique sont mal connues.

Afin de combler cette lacune, une équipe anglo-kenyane (Oxford et KEMRI) a évalué la présence d’anticorps anti-Spike (tests ELISA) chez une cohorte de donneurs kenyans. Les échantillons sont issus de plusieurs centres régionaux de transfusions sanguines (Kenya National Blood Transfusion Service, KNBTS) et ont été prélevés entre avril et juin 2020 chez des personnes âgées de 15 à 65 ans. La cohorte n’étant pas forcément représentative de la population, les résultats ont été ajustés mathématiquement (âge, sexe, distribution géographique) pour être en accord avec le recensement 2019. Parmi les 3 098 donneurs, 4,3% étaient séropositifs en moyenne, la plupart étant âgés de 35 à 44 ans. Les donneurs des grandes villes avaient une séroprévalence plus élevée, allant jusqu’à 8% à Mombasa. Cette étude, comme d’autres, confirme qu’il n’y a aucune influence du sexe et que la séroprévalence diminue avec l’âge. Ces résultats montrent deux choses :

  • la population kenyane est beaucoup plus exposée au SARS-CoV-2 qu’on ne le pensait.
  • la prévalence est comparable à celle observée dans d’autres pays où les cas connus sont beaucoup plus nombreux.

Rapporté à la population totale (53 millions) du Kenya, cela pourrait correspondre à 1,3 millions de personnes infectées chez les 15-64 ans. Mais à la date du 30 mai 2020, 2 093 cas ont été détectés avec 71 morts.

Comment expliquer la divergence entre une séroprévalence similaire aux autres pays et un nombre relativement bas de cas de COVID-19 ? On avance 4 hypothèses :

  • La séroprévalence pourrait être surestimée par une sélection biaisée des donneurs. En effet, 43% de la population kenyane est constituée des jeunes de moins de 15 ans et des personnes âgées de plus de 65 ans qui sont peu infectées par le SARS-CoV-2.
  • Les cas pourraient être sous-estimés par les autorités de surveillance (tests PCR insuffisants). Mais les hôpitaux kenyans n’ont pas été surchargés de cas sévères de COVID-19.
  • La démographie pourrait influencer ces résultats : 3,9% de la population kenyane a plus de 65 ans, contre 23,3% en Italie.
  • Cette population est fréquemment exposée aux coronavirus communs, ce qui pourrait conférer une certaine protection croisée. Mais cela n’a jamais été démontré.

Les auteurs pensent que ces hypothèses ne suffisent pas à expliquer une telle différence. Ils proposent plutôt, comme une autre étude l’avait auparavant suggéré, que les symptômes de la COVID-19 pourraient être atténués en Afrique pour des raisons qui restent à éclaircir. Les auteurs soulèvent aussi le fait qu’en l’absence de protection sociale et économique, des mesures comme le confinement pourraient avoir des conséquences catastrophiques. Il est donc crucial d’augmenter les capacités de dépistage et de compléter ces observations par des études approfondies afin de suivre efficacement la trajectoire de l’épidémie en Afrique.

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