A la suite d’une infection, les lymphocytes B matures produisent des anticorps qui ciblent l’agent pathogène et ont une durée de vie limitée. Mais une partie d’entre eux restent dans les centres germinatifs (ganglions lymphatiques, rate) où ils prolifèrent et continuent d’affiner la qualité des anticorps. Leur durée de vie est plus élevée : ce sont les lymphocytes B-mémoire qui sont sollicités lors d’une réinfection.
L’infection par le SARS-CoV-2 déclenche en effet la production d’anticorps neutralisants à des niveaux variables selon les patients. Ils bloquent l’entrée du virus dans la cellule en se fixant sur la protéine virale Spike. Des études ont montré qu’ils pouvaient protéger d’une réinfection chez l’animal, mais rien n’est sûr pour l’homme. De plus, nous ne connaissons pas la nature ni la qualité de la réponse des anticorps-mémoire.
Pour répondre à cette question, des chercheurs américains (Rockefeller University) ont étudié la réponse des anticorps de 87 patients COVID-19. Les analyses ont été réalisées à 40 puis à 191 jours après infection. Dans cette petite cohorte, les volontaires étaient âgés de 18 à 76 ans et les symptômes ont duré en moyenne 12 jours. Parmi ces patients, 10 ont été hospitalisés et 38 ont eu des symptômes sur le long terme.
Apparemment, les conclusions sont pessimistes. Par des tests ELISA, ces chercheurs ont ainsi observé que les niveaux d’anticorps anti-RBD (Receptor Binding Domain, région de Spike interagissant avec le récepteur) et anti-N (Nucleoprotein, organisation du génome viral) tendent à baisser. Les IgM anti-RBD, anticorps caractéristiques d’une primo-infection, baissent de 53% et les IgG anti-RBD (qui représentent 80% des anticorps sanguins) baissent de 32%. Avec des tests d’infection in vitro, les auteurs ont aussi déduit que l’activité de neutralisation sanguine a baissé d’environ 5 fois.
Mais est-ce vraiment problématique ? Non dans la mesure où il faut noter que même si les taux d’anticorps baissent avec le temps, ils restent détectables chez la majorité des individus 6 mois après infection.
Ainsi, sur un sous-groupe de 41 personnes sélectionnées au hasard, l’équipe a mis en évidence que les lymphocytes B sanguins sont sous-représentés durant tout le suivi. Toutefois, les cellules B-mémoire sont en quantité stable durant tout le suivi et subissent un turnover au niveau de leurs populations, ce qui indique qu’elles évoluent et que les centres germinaux restent très actifs.
Les auteurs ont montré que ces cellules produisent des anticorps dont le potentiel neutralisant et la spécificité augmentent au cours de la période de suivi. En effet, des tests in vitro montrent que certains mutants sont reconnus par ces anticorps 6 mois après infection, alors qu’ils ne l’étaient pas 1 mois après. Sur une cohorte supplémentaire de 14 patients, ils ont détecté la présence de protéines virales N (chez 5 patients) et d’ARN viral (chez 7 patients) dans des biopsies intestinales prélevées 4 mois après infection.
Contrairement à ce que suggéraient d’autres travaux, cette étude montre donc que l’immunité B-mémoire est fonctionnelle et évolue durant les 6 mois suivant l’infection par le SARS-CoV-2 pour produire des anticorps plus efficaces. Elle est en partie soutenue par la présence d’antigènes viraux persistants dans certains tissus, probablement sous forme de complexes immuns. Ces résultats suggèrent fortement que les individus infectés par le SARS-CoV-2 seront protégés lors d’une seconde infection.