Les cas sévères de COVID-19 résultent d’une inflammation incontrôlée et de la survenue de thrombose (formation d’un caillot sanguin) dans plusieurs organes. Ces risques sont en général appréciés par le taux de biomarqueurs circulants spécifiques, comme la protéine C-réactive ou le D-dimère. Par précaution, les patients peuvent recevoir des traitements préventifs à base d’héparine et dérivés de bas poids moléculaire (thromboprophylaxie pharmacologique), afin d’éviter l’hémostase secondaire (formation du caillot) ou de réduire l’inflammation. Mais des observations ont suggéré qu’administrer ces traitements anticoagulants à des doses thérapeutiques (plus élevées, plus longtemps, et parfois par mode d’administration différent) pourrait aider les patients. Mais les effets restent encore incertains.
Des chercheurs et médecins canadiens (consortium d’universités dont Manitoba) ont mené un essai clinique international (393 sites hospitaliers) afin de déterminer si les traitements anticoagulants à base d’héparine (à doses thérapeutiques) serait bénéfique à des patients critiques. Pour cela, trois essais cliniques (débutés en avril 2020) ont spécifiquement été adaptés en harmonisant leurs protocoles et leurs stratégies (REMAP -CAP, ACTIV-4a, ATTACC). Ces essais ont reçu l’aide du National Institute of Health (NIH) et du département de la défense américain. Les patients COVID-19 avérés ont été classés selon leur sévérité (notamment selon la nécessité d’une assistance respiratoire ou cardiaque) et selon leur taux sanguin de D-dimère. Entre autres facteurs d’exclusion, les patients avec un trop fort risque de décès n’ont pas été inclus. Au total, 1 098 patients sévères ont été sélectionnés. On a attribué au hasard les traitements anticoagulants (534 patients sous doses thérapeutiques, 14 jours) ou thromboprophylactiques (564 patients, dont 41% sous doses standards et 51% plus élevées), via des systèmes informatiques centralisés. A moins qu’ils ne soient sortis des urgences avant la fin, on a suivi les patients pendant presque un mois et des mesures précises ont été définies à l’avance afin de prendre en charge les défaillances d’organes.
Quels sont les résultats de cette étude ? D’un côté, les traitements sont comparables, d’un autre les anticoagulants sont plus dangereux.
Étonnamment, dans les deux groupes, les problèmes de saignements ont été rares et légèrement plus élevés avec les doses thérapeutiques (3,8% vs 2,3%). Dans les deux cas, les accidents thrombotiques et les décès atteignent 40%.
Cependant, le traitement par anticoagulant est risqué à doses élevées : comparées aux traitements standards thromboprophylactiques, les doses thérapeutiques d’anticoagulants (héparine) n’augmentent pas la probabilité de survie des patients et ne réduisent pas le nombre de jours sous assistance respiratoire ou cardiaque. L’essai a même été stoppé en décembre 2020. En fait, les anticoagulants s’avèrent moins efficaces que d’autres traitements pour les patients critiques.
Les auteurs suggèrent que l’effet de ce traitement puisse dépendre du moment d’administration : une fois la sévérité déclarée, il serait inefficace et aggraverait probablement les hémorragies alvéolaires fréquemment observées dans les poumons des patients critiques.
Une autre partie de cette étude (publiée dans NEJM également) montre en revanche que les doses thérapeutiques augmentent la survie des patients non-critiques. Cette étude ayant été réalisée dans 10 pays différents, les résultats sont désormais applicables dans tous les centres de traitement COVID-19.