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Des peptides viraux non-conventionnels présentés à la surface des cellules infectées

Plusieurs études montrent que la réponse T (immunité cellulaire) est essentielle dans l’immunité et l’élimination du SARS-CoV-2. Dans la physiopathologie de la COVID-19, il est donc impératif de mieux comprendre comment les cellules infectées interagissent avec le système immunitaire.

La cellule infectée présente à sa surface des antigènes viraux (fragments de protéines reconnus par les anticorps) via le complexe HLA-I (class I Human Leukocyte Antigen), ce qui lui permet d’être reconnue par les cellules T cytotoxiques (CD8+) qui vont l’éliminer. Pourtant, les études visant à identifier ces antigènes sont majoritairement fondées sur des modèles informatiques prédictifs qui prennent difficilement en compte les multiples étapes biochimiques en amont, le détournement des fonctions cellulaires par le virus, ou l’aspect dynamique de l’infection. L’identification de ce répertoire (immunopeptidome) aiderait à mieux comprendre la réponse T anti-SARS-CoV-2.

Des chercheurs américains (Massachusetts Institute of Technology et Université d’Harvard) viennent de caractériser ce répertoire pour la première fois. Ils ont infecté 2 lignées cellulaires (A549 et HEK293T) par le SARS-CoV-2 et les peptides présentés à leurs surfaces par le HLA (9 allèles testés) ont été identifiés par spectrométrie de masse à différents temps après l’infection (immunoprécipitation des complexes HLA-I). En complément, ils ont aussi analysé l’ensemble des protéines purifiées (protéome) ainsi que l’expression des ARN messagers (transcriptome).

Parmi les milliers de peptides identifiés, 36 étaient viraux et majoritairement non structuraux (Non-Structural Proteins NSP1/2/3/5/8/10/14/15, S, M, ORF7a, N), et 9 issus d’ORF (open reading frame) non-canoniques (décalage du cadre de lecture) dans le gène de Spike (S.iORF1/2) et de la Nucléocapside (ORF9b). Les peptides N, pourtant connus comme les plus exprimés après l’infection, sont très peu présentés par le HLA-I (un seul peptide). Bien que l’ORF9b soit court (97 acides aminés), il produit à lui seul 6 peptides qui se lient in vitro à 4 allèles HLA-I (A*02 :01, B*18 :01, B*44 :03, A*26 :01). Le complexe HLA-I a plutôt tendance à présenter des protéines virales produites précocement, soit 3h après l’infection. Dans les cellules infectées, on observe une inhibition de la présentation des peptides HLA-I (déplétion de la protéine chaperonne POMP), de l’ubiquitination, et de la réponse innée (voie interféron). Cela suggère que le SARS-CoV-2 altère la réponse antivirale en atténuant la présentation des antigènes viraux.

De manière surprenante, ces peptides non-canoniques sont très immunogènes lorsqu’ils sont administrés à des souris ou à des patients COVID-19 (tests ELISPOT). Deux peptides A*02 :01 sont capables d’induire une réponse T cytotoxique chez des patients convalescents. Le peptide ELPDEFVVVTV est prometteur car il se lie à 2 allèles HLA-I (A*02 :01 et A*26 :01) et induit une réponse T robuste (plus que celles rapportées dans la littérature) lorsque les patients expriment le même motif CDR3 des immunoglobulines. Les peptides issus de S.iORF1/2 n’induisent pas de réponse T, ce qui est probablement dû à un mécanisme d’échappement au système immunitaire. 

Au cours de la réponse immune, les NSP font donc partie intégrante de la réponse T. De plus, 25% des antigènes viraux présentés par le HLA-I sont non-canoniques. Cela indique que les études sur la réponse T anti-SARS-CoV-2 omettent une partie importante des antigènes viraux car ils sont focalisés sur les ORF canoniques. Contrairement à la réponse-anticorps, la réponse T cytotoxique n’est pas contournée par les variants actuels. Intégrer ces peptides dans la conception de vaccins pourrait donc permettre une protection durable et efficace contre l’apparition de variants d’échappement. Les vaccins actuels, qui utilisent l’optimisation de codons pour augmenter l’expression protéique, se privent de nombreux antigènes viraux et altèrent ainsi la réponse T cytotoxique. D’autres études cliniques sont nécessaires pour mieux comprendre le rôle des peptides non-canoniques dans la COVID-19.

C’est ce qu’on peut représenter schématiquement ainsi :

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