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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Comment rendre les anticorps encore plus efficaces ?

Les anticorps qui se fixent efficacement à leur cible ont un intérêt majeur en recherche biomédicale et en médecine. On parle d’affinité (liaison plus ou moins forte) et de spécificité du site de la cible. Cette perspective est intéressante non seulement pour des pathologies comme le cancer mais également contre la COVID-19.

En réalité, cette efficacité peut être améliorée lorsque ces anticorps sont sous forme multivalente, c’est-à-dire regroupés entre eux, afin d’avoir une entité dotée de plus de deux sites de liaison à sa cible : on parle d’avidité. Par exemple, les anticorps IgA (protection des muqueuses) adoptent généralement une forme dimérique et les IgM (anticorps peu spécifiques) une forme pentamérique, grâce à la pièce J qui les jointe naturellement entre eux. Au niveau d’une cellule, fixer plusieurs récepteurs en même temps peut augmenter la signalisation et ses effets, car parfois ces récepteurs doivent s’oligomériser (s’associer à plusieurs) pour déclencher une réponse. En laboratoire, plusieurs méthodes sont utilisées pour lier les anticorps entre eux, par ingénierie génétique ou en les fusionnant à des polymères. Ces méthodes sont souvent laborieuses et le contrôle de la géométrie et de la composition de l’entité sont limités.

Comment améliorer ces procédés en vue de soigner différentes pathologies telles que la COVID-19 ? Des chercheurs de l’Université de Washington ont élaboré des protéines capables d’assembler les anticorps en des structures symétriques, ordonnées et bien définies. Modélisées par ordinateur, ces protéines forment des blocs qui lient les anticorps entre eux avec une symétrie cyclique, formant ainsi des « nanocages » ou « antibody cages » (AbC). Trois types de protéines sont alors nécessaires : une se fixe aux parties Fc des anticorps (sur une base de protéine A), un connecteur hélicoïdal assemble les différentes parties, et des modules cycliques forment des oligomères qui organisent la symétrie. Le design informatique tient compte de toutes les contraintes géométriques des protéines pour aboutir à 4 types d’assemblage : dièdre (D2), tétraèdre (T32), octaèdre (O32 et O42) et icosaèdre (I32 ou I52), nomenclatures dépendantes de la géométrie choisie.

Ces chercheurs ont sélectionné 48 protéines, dont chaque composant a d’abord été produit en système bactérien, puis purifié par chromatographie. Finalement, 8 de ces AbC ont été retenus : ils sont capables de s’auto-assembler en solution (3 D2, 2 T32, 1 O42, 2 I52). Pour vérifier cela, leurs structures ont été ensuite caractérisées par microscopie électronique, puis analysées par reconstructions informatiques. La stabilité des AbC a été évaluée par Dynamic Light Scattering (DLS) et par des approches biochimiques classiques, sur 4 semaines, à température ambiante.

Avant d’envisager l’application de cette découverte à une maladie comme la COVID-19, ces chercheurs ont procédé à sa caractérisation biologique dans un environnement de cellules tumorales. Ils ont ainsi construit des AbC avec des anticorps dirigés contre certains récepteurs choisis et ont évalué les effets de chaque géométrie sur l’efficacité de signalisation. Un premier test a été réalisé en formant 5 AbC de géométries différentes avec des anticorps anti-DR5 (Death Receptor 5). Ce récepteur est en effet surexprimé dans de nombreuses tumeurs, et déclenche la mort cellulaire par apoptose (voie caspase 3/7), faisant de lui une cible thérapeutique prometteuse. Sur des cellules de tumeur colorectale ou de carcinomes rénaux résistants, les AbC provoquent leur mort même à basses concentrations via une signalisation plus efficace, contrairement à l’anticorps seul ou à des AbC composés d’un anticorps non spécifique. Les chercheurs ont validé ce constat d’efficacité sur d’autres récepteurs de cellules immunitaires : le récepteur à l’angiopoiètine-1 (réparation tissulaire et inflammation), CD40 (activation des lymphocytes B), CD3/28 (prolifération des lymphocytes T). Selon le système, certaines géométries se montrent plus efficaces que d’autres.

C’est ce qu’on peut représenter schématiquement ainsi :

Pour finir, les chercheurs ont tenté d’augmenter le pouvoir de neutralisation d’anticorps anti-SARS-CoV-2 (CV1 et CV30) en accroissant leur avidité pour le virus. Sous forme d’octaèdres, les AbC neutralisent le virus in vitro jusqu’à 200 fois plus efficacement que l’anticorps seul à concentration identique. Sous la même forme, des AbC composés d’ACE2 (récepteur du virus qui va se fixer sur Spike) neutralisent le virus 7 fois plus efficacement que le récepteur seul.

Ce design novateur et prometteur de nanocages intègre à la fois la structure et la fonction des anticorps, surpassant en efficacité les précédentes approches. De nombreuses géométries et orientations sont réalisables et cette modularité élargit le champ des possibilités. De plus, leur synthèse se fait plus rapidement et plus facilement. Plusieurs anticorps différents pourraient même être intégrés dans un seul AbC. Ils pourraient aussi être utilisés pour délivrer des acides nucléiques (cf vaccination ARN) ou des protéines dans les cellules.

Cette équipe travaille actuellement sur des modèles animaux pour évaluer la pharmacocinétique, la biodistribution et le pouvoir immunogène des AbC.

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