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Vulgarisation scientifique des avancées de la recherche sur la COVID-19

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Un modèle de propagation de variants dans une population vaccinée

La 2ème année de pandémie de COVID-19 a été marquée par les variants préoccupants (Variant Of Concern, VOC) qui ont provoqué des vagues épidémiques parfois plus sévères que dans la 1ère. On compte les variants Alpha (anglais), Bêta (sud-africain), Delta (indien) et Gamma (brésilien), qui sont plus contagieux et échappent au système immunitaire, bien que de manière variable selon les souches. A l’échelle de l’individu, les vaccins sont moins efficaces contre la réinfection mais continuent de protéger de la mortalité. En revanche, les conséquences sur la dynamique épidémiologique dans la population sont plus complexes à saisir. Par exemple, une réduction de 30% de l’efficacité d’un vaccin ne va pas forcément se traduire par 30% d’infection supplémentaire chez les individus vaccinés.

Des chercheurs américains de l’Université d’Harvard (Boston) ont modélisé l’émergence et la propagation d’un variant dans une population vaccinée et pratiquant les gestes-barrières (soit sur 100 millions d’habitants pendant 3 ans). On a fait l’hypothèse d’un variant remplaçant une souche d’origine avait un R0=2,5. Selon les scénarios, il a alors une capacité de transmission accrue de 60% (variant 1, assimilable à Alpha), une capacité d’échappement de 40% (variant 2, assimilable à Bêta), ou les deux (variant 3, assimilable à Delta). Ce modèle évalue l’impact de plusieurs scénarios sur le nombre total d’infections, donc aussi l’ampleur de l’épidémie, et assume qu’il est proportionnel aux hospitalisations et aux nombres de morts. Par défaut, les conditions sont favorables avec un taux de vaccination constant jusqu’à atteindre 100% de la population, des gestes-barrières indéfiniment maintenus (faisant chuter le R0 à 1,5) et une efficacité du vaccin de 95% qui ne diminue pas avec le temps.

Quels sont alors les résultats ? Dans une population non vaccinée, un variant devient dominant uniquement s’il a une transmissibilité accrue mais non s’il échappe à l’immunité induite par une infection. Si la population est vaccinée de manière optimale, seul le variant 3 va devenir dominant car la seule capacité d’échapper à l’immunité vaccinale a peu d’impact à l’échelle de la population. Plus la vaccination débute tôt, plus l’on réduit l’épidémie, surtout si le variant est plus transmissible car le pic d’infection apparaît plus tôt aussi. La fréquence d’administration est alors moins importante. Et lorsque 100% de la population est immunisée (naturellement ou par vaccination), seul le variant 3 va provoquer un nombre significatif de réinfections et de clusters, les autres induisant uniquement des réinfections individuelles.

Les chercheurs ont ensuite envisagé des conditions moins favorables. Si les mesures-barrières connaissent un relâchement après que 50% de la population ait été vaccinée, ou si l’efficacité vaccinale chute à 70%, le variant 2 a peu d’impact contrairement aux variants plus transmissibles. En revanche, l’échappement a quand même un impact plus important qu’en condition par défaut. Lorsque rien n’est optimal (50% vaccination + efficacité 70% + relâchement des gestes), il n’y a aucun contrôle sur les variants. Pour la souche d’origine et les variants 1 et 3, le relâchement des gestes barrières a le même impact que l’absence de vaccination. Le variant 2 est cette fois-ci responsable d’une augmentation des réinfections et provoque une seconde vague dont l’ampleur dépend du taux d’échappement, la souche d’origine étant relativement contrôlée. Avec le variant 3, la vague tend à être confondue avec celle de la souche d’origine, causant moins de réinfections car moins d’individus vaccinés ou convalescents peuvent être de nouveau contaminés. Dans un scénario où toutes les souches sont très transmissibles, l’immunisation naturelle est forte et précoce, et la vaccination a moins d’impact. Seuls les variants d’échappement vont provoquer de nouvelles vagues épidémiques.

Dans une population naïve (sans aucune précaution), ce sont donc les variants les plus transmissibles qui sont favorisés. Par la suite, les variants d’échappement vont provoquer des vagues épidémiques successives via des clusters de réinfections, avec relativement peu d’impact sur la mortalité, sauf s’ils sont aussi dotés d’une meilleure transmissibilité. Voilà pourquoi Bêta n’est pas devenu majoritaire dans la plupart des régions du globe. L’impact d’un variant dépend donc de la souche qu’il remplace : si le variant 3, assimilable au Delta, remplace une souche déjà très transmissible, il aura peu d’impact sur la mortalité et peinera à se propager. Les variants d’échappement sont problématiques uniquement si l’immunité de la population n’est pas optimale : suffisante pour orienter l’évolution virale, mais pas assez pour contrôler l’infection.

Ce travail représente une base solide pour anticiper le comportement des futurs variants et anticiper les stratégies sanitaires pour mitiger leur impact. Mais il critique aussi l’impact épidémiologique du déploiement inéquitable des vaccins dans le monde (car 70% de vaccinés habitent les pays riches, 4% dans certains autres).  

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