La pandémie de COVID-19 a tragiquement révélé que nous manquons de médicaments contre les infections virales respiratoires. Le Remdesivir est la seule molécule approuvée mais ne peut être administrée qu’en intraveineuse. Cela limite son utilisation aux patients hospitalisés et est donc généralement administrée trop tard. Idéalement, nous devrions disposer de molécules efficaces contre plusieurs virus pouvant être administrées par voie orale dès le début de l’infection.
Dans cette optique, des chercheurs américains de l’université d’Atlanta ont choisi un virus-modèle alternatif au SARS-CoV-2, le Virus Respiratoire Syncitial (RSV). Il est responsable de nombreuses hospitalisations chaque année et il n’existe pas non plus de traitement. Les chercheurs ont exploré l’efficacité de plusieurs molécules proches du Molnupiravir qui avait déjà montré une certaine efficacité contre l’influenza et les betacoronavirus. Ils ont cherché parmi ces molécules celles dont le mécanisme d’action serait différent.
Lors de tests précoces, le meilleur candidat s’est avéré le 4’-fluorouridine (4’-FLU, EIDD-2749). Ils ont montré son efficacité contre plusieurs souches de RSV (isolats cliniques) dont il inhibe l’infection in vitro. A fortes doses, la molécule n’est pas toxique pour plusieurs lignées de cellules humaines ou animales. Sur des cellules épithéliales respiratoires primaires (issues de donneurs), elle est même 17 fois plus efficace. Son incorporation, sa stabilité et son activité antivirale sont très convaincantes (RSV et SARS-CoV-2) sur un modèle d’épithélium respiratoire reconstitué (organoïdes 3D). Cet inhibiteur apparaît efficace contre plusieurs autres virus : Sendaï, Rage, Oreillons, Stomatite Vésiculaire, Paramyxovirus, et le SARS-CoV-2.
Les chercheurs ont établi que le mécanisme d’action du 4’-FLU est une inhibition compétitive des polymérases du RSV et du SARS-CoV-2 (RNA Dependant RNA Polymerase, RdRp). Sous sa forme triphosphate, il mime les uridines triphosphates (UTP), un des nucléotides précurseurs nécessaires à la synthèse des ARN, ce qui aboutit à un arrêt prématuré de la synthèse d’ARN par la RdRp. Il est légèrement moins efficace sur le SARS-CoV-2 que sur le RSV.
Ces chercheurs ont ensuite infecté des souris par le RSV, puis leur ont administré le 4’-FLU deux heures après par voie orale. A la dose quotidienne de 5 mg/kg, cette drogue diminue de presque 100 fois la charge virale dans les poumons, réduit les pneumonies et ne modifie pas le taux de plaquettes ou de lymphocytes sanguins. La fenêtre thérapeutique peut s’étendre jusqu’à 24h post-infection. Chez des furets infectés par le SARS-CoV-2, le 4’-FLU réduit de 1 000 fois la charge virale dans les voies nasales. L’efficacité est similaire entre les souches Alpha, Gamma, Delta ou celle de référence. Trois jours après l’infection, les animaux traités ne sécrètent plus de virus infectieux.
Le 4’-FLU est donc un analogue nucléotidique capable d’inhiber la réplication de plusieurs virus à ARN, dont le SARS-CoV-2. Il a une bonne pharmacocinétique après administration orale, une fenêtre thérapeutique intéressante et une bonne efficacité in vivo contre les différents variants du SARS-CoV-2. Le 4’-FLU s’avère prometteur comme alternative thérapeutique au Remdesivir dont l’efficacité est actuellement très discutée.